Copropriété : La responsabilité des conseillers syndicaux

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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copropriétéLa possibilité d’engager ou non la responsabilité du conseil syndical est une question récurrente suscitant une certaine inquiétude auprès de ses membres. Un sujet qui, parfois, reflète les tensions existantes dans la copropriété, certains n’hésitant pas à attaquer les conseillers syndicaux pour des motifs plus ou moins fondés. Si, sur le principe, une action en responsabilité existe, encore faut-il en déterminer les contours.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 675 de janvier-février 2022

Responsabilité du conseil syndical ou des conseillers syndicaux ? 

Malgré l’importance du conseil syndical dans le fonctionnement d’une copropriété, celui-ci ne dispose pas de la personnalité morale et ne peut donc, en conséquence, voir sa responsabilité engagée (Rép. min. n° 19764, JO Sénat Q, 9 mars 2000, p. 888). De fait, ce sont les conseillers syndicaux qui, individuellement ou collectivement, sont responsables des fautes commises dans l’exécution de leur mission (TGI Nice, 15 déc. 1971).

 

La responsabilité des membres du conseil syndical.

A l’instar du syndic, les conseillers syndicaux sont désignés par l’assemblée générale en tant que mandataires du syndicat. Ils n’ont donc pas de liens juridiques directs avec les copropriétaires pris individuellement. En conséquence, une action ne pourra être intentée que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle (CA Paris, 18 févr. 1994, n° 17-27.766) définie à l’article 1240 du Code civil («Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer»). Par ailleurs, en tant que bénévoles, les conseillers syndicaux bénéficient des dispositions de l’article 1992 du Code civil prévoyant une appréciation moins rigoureuse de la responsabilité pour faute de celui dont le mandat est gratuit par rapport à celui qui est rémunéré (Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.766).

Dans la pratique, les recours contre un conseiller syndical demeurent peu fréquents et n’aboutissent que rarement. Il a ainsi été jugé qu’une négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi, en l’absence de collusion frauduleuse démontrée entre le syndic et le président ou un membre du conseil syndical, une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou d’un conseiller syndical (Cass. 3e civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.766). Un tel positionnement de la part des juges se comprend aisément : il ne faut pas oublier que le conseil syndical est une instance consultative, composée de bénévoles ne disposant pas forcément des compétences nécessaires. Faire peser sur ces derniers une responsabilité identique à celle imputable à un syndic professionnel, rémunéré et soumis à un devoir de conseil, serait faire preuve d’une excessive sévérité et aurait abouti à rendre encore plus difficile la recherche de candidats pour siéger au conseil syndical. C’est ainsi que, dans une affaire, la responsabilité d’un conseiller syndical a été écartée au motif que, profane dans le domaine du droit, il n’était investi dans ce domaine d’aucun devoir de conseil. Et les juges de rappeler que l’avis du conseil syndical ne lie ni le syndic, ni l’assemblée générale (CA Paris, 4 oct. 2000).

La responsabilité d’un conseiller syndical ne peut donc être engagée que dans des cas très particuliers et marginaux. On peut ainsi imaginer le fait de profiter de la présence d’ouvriers dans la copropriété pour solliciter la réalisation de travaux dans des parties privatives, mais aux frais du syndicat. Toutefois, dans une telle hypothèse, la qualité de conseiller syndical n’a pas d’incidence et la mise en responsabilité serait identique si les agissements litigieux avaient été accomplis par un simple copropriétaire.

On peut cependant attirer l’attention sur une situation qui est loin d’être anecdotique, à savoir l’immixtion d’un conseiller syndical dans les relations avec le concierge. S’il est de la mission du conseil syndical de s’assurer, au même titre que le  syndic, de la bonne exécution par le gardien de son contrat de travail, cela ne doit en aucun cas constituer un harcèlement. L’employeur étant le syndicat des copropriétaires, le comportement fautif d’un conseiller syndical ne saurait constituer des faits de harcèlement moral nécessitant des relations de travail (Cass. crim., 28 mars 2017, n° 15-86.509). En revanche, l’article 222-33-2-2 du Code pénal sanctionne «le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale». Le comportement fautif d’un conseiller syndical pourrait tout à fait tomber sous le coup de cette infraction, punissable d’une peine d’emprisonnement allant, selon les circonstances, de un à trois ans et d’une amende pouvant atteindre 45 000 €.

 

L’obligation d’assurance des conseillers syndicaux.

Le caractère obligatoire de la souscription d’une assurance pour les conseillers syndicaux fait actuellement débat, même si l’on peut noter que la regrettée Commission relative à la copropriété préconisait déjà, en son temps, une telle couverture (Recommandation n° 13, 8 juil. 2010).

Créé par l’ordonnance du 30 octobre 2019, l’article 21-4 de la loi du 10 juillet 1965 pose l’obligation pour le syndicat des copropriétaires de souscrire une assurance de responsabilité civile couvrant les conseillers syndicaux. Si la rédaction du texte laisse penser qu’il s’agit d’une obligation générale, le rapport du 31 octobre 2019 remis au Président de la république relatif à l’ordonnance de réforme précise que cette obligation d’assurance ne concernerait que le cas où le conseil syndical se verrait attribuer une délégation conventionnelle. Une intention que ne reflète pas la lettre des textes, l’article 21-4 en question ne faisant aucune référence, directe ou indirecte, à cette délégation conventionnelle. Par ailleurs, le plan de la loi du 10 juillet 1965 n’a pas été modifié et aucune section ou sous-section relative à la délégation conventionnelle n’a été créée. L’obligation d’assurance pourrait donc être générale et s’appliquer à tous les conseillers syndicaux, qu’une délégation ait été votée ou non. C’est pourquoi, en l’absence de précisions, il peut être recommandé de souscrire une police pour les conseillers syndicaux. Les assurances d’immeubles proposent, dans la grande majorité des cas, ce type de protection.