Copropriété : Bornes électriques : vers un droit à la prise

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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copropriété droit à la prise électriquesJusqu’à présent, la lutte contre le réchauffement climatique se faisait sur le terrain de la précarité énergétique et de l’incitation à réaliser des travaux d’économie d’énergie.

Mais, au fil du temps, les pouvoirs publics se sont montrés de plus en plus attachés à prendre en considération d’autres facteurs, telles les émissions de gaz à effet de serre.

C’est en ce sens que vont les mesures prises en vue de développer le parc de véhicules électriques.
Et cela passe par la création, depuis le 1er janvier 2021, d‘un véritable «droit à la prise».

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 666 de mars 2021 

Le principe du droit à la prise

Le principe du droit à la prise consiste à interdire au propriétaire d’un parc de stationnement de s’opposer sans motif sérieux et légitime à la demande d’un copropriétaire, locataire ou occupant de bonne foi visant à installer, à ses frais, des équipements dédiés à la recharge de véhicules électriques et permettant un décompte individualisé des consommations (art. L. 111-3-8 du Code de la construction et de l’habitation - CCH). Cependant, ce droit n’est pas absolu.

Tout d’abord, il ne concerne que les immeubles dotés d’un parc de stationnement sécurisé. On peut donc penser qu’un parking dont l’accès ne serait pas restreint (absence de dispositif empêchant à des personnes extérieures à la résidence d’y pénétrer) n’est pas concerné par ces dispositions.

Ensuite, les places doivent faire l’objet d’un usage privatif. Elles doivent donc constituer une partie privative ou une partie commune avec droit de jouissance privatif.

Surtout, il est possible de s’opposer aux travaux mais à la condition de justifier d’un motif sérieux et légitime. Constitue un tel motif, et sans que cette liste ne soit limitative, la préexistence de ce type d’installations ou la décision prise en assemblée générale de réaliser les travaux en question dans un délai raisonnable (art. L. 111-3-8, al. 2, CCH).

 

La demande d’autorisation de travaux

La procédure d’autorisation consiste pour le demandeur à informer le syndic, et son bailleur le cas échéant, de son projet. A ceci près que ces démarches induisent le respect de nombreux délais successifs, dont les conséquences, en cas de violation, ne sont pas toujours claires.

Le locataire ou l’occupant de bonne foi d’une ou plusieurs places de stationnement notifie son intention de réaliser les travaux à son bailleur, avec copie au syndic (toutes les notifications sont valablement faites par LR avec AR - art. R. 111-1 D, CCH.). Un descriptif détaillé des travaux à entreprendre, assorti d’un plan technique d’intervention et d’un schéma de raccordement électrique, doit être communiqué en même temps. Dans le délai d’un mois suivant la réception de cette notification, le bailleur notifie au syndic les documents qui lui ont été communiqués. Le syndic est donc informé à deux reprises du projet, une première fois par le locataire et une seconde fois par le bailleur.

Si la demande émane d’un copropriétaire, celui-ci notifie directement au syndic les documents en question.

Lorsqu’il entend s’opposer aux travaux en invoquant un motif sérieux et légitime, le syndic doit saisir, à peine de forclusion, le président du tribunal judiciaire dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui a été faite par le copropriétaire ou le bailleur. Est territorialement compétent, le tribunal du lieu de situation de l’immeuble. Le juge statue selon la procédure accélérée au fond. Le cas échéant, la saisine devra préciser la date à laquelle la décision de réaliser les travaux d’équipement a été prise en assemblée générale. Le syndic a alors quinze jours pour en informer le copropriétaire ou le bailleur et son locataire ou occupant de bonne foi.

Indépendamment de son statut, le demandeur peut procéder à la réalisation des travaux, à ses frais, lorsque :

1° Aucune saisine du président du tribunal judiciaire ne lui a été notifiée trois mois et quinze jours après sa demande ;

2° Le syndic s’est opposé aux travaux au motif que le syndicat souhaite les réaliser lui-même et que :

- ces travaux n’ont pas été engagés, au plus tard, trois mois après la saisine du président du tribunal judiciaire,

- ou ont été engagés dans ce délai mais n’ont pas été réalisés dans un délai de six mois à compter de la date de cette saisine.

Dans tous les cas, le syndic inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale suivant la notification qui lui a été faite par le copropriétaire ou le bailleur,une information sur le projet de travaux (art. R. 111-1 B, CCH).

On peut d’ores et déjà s’interroger ici sur l’articulation entre ces différentes phases. Tout d’abord, qu’en est-il si le locataire ne met pas en copie le syndic de son projet ? Le point de départ du délai de contestation étant la notification faite par le bailleur, il n’est pas certain que le non-respect de ce formalisme entraîne des conséquences particulières, sauf pour le syndic de justifier d’un grief.

De même, quelles conséquences si le bailleur tarde et met plus d’un mois pour notifier au syndic le projet de son locataire ? On peut penser que cela entraînerait un simple glissement du point de départ du délai de trois mois pour saisir le juge. Or, cette interprétation permettrait à un bailleur de retarder le projet de son locataire. À voir comment se positionneront les juges. En revanche, le dernier délai de trois mois est expressément mentionné comme étant à peine de forclusion de sorte qu’une fois expiré, il n’est plus possible d’invoquer un motif sérieux et légitime pour s’opposer au projet.

 

La convention de travaux

Avant la réalisation des travaux, une convention doit être conclue entre le syndicat et le prestataire choisi par le locataire ou le copropriétaire. Il s’agit de fixer les conditions d’accès et d’intervention du prestataire aux parties et équipements communs (art. L. 111-3-9, CCH).

Pour ce faire, le locataire notifie à son bailleur les nom, adresse et coordonnées téléphoniques du professionnel avec lequel il a contracté, à charge pour le bailleur de notifier ensuite ces informations au syndic dans les quinze jours.

Lorsque les travaux sont réalisés par un copropriétaire, la notification se fait directement au syndic.

Dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification qui lui a été faite, et sans que l’autorisation de l’assemblée générale ne soit requise, le syndic conclut la convention avec le prestataire.

Si la convention n’est pas signée dans ce délai, le demandeur peut saisir le président du tribunal judiciaire, afin que ce dernier fixe les conditions d’accès et d’intervention dudit prestataire (art. R. 111-1 C, CCH).