Censé n’être qu’un moyen marginal de participation aux assemblées générales, le vote par correspondance s’est vu propulser sur le devant de la scène en raison de la crise sanitaire. Institué par la loi ELAN de 2018 mais revu et corrigé par l’ordonnance de réforme du droit de la copropriété du 30 octobre 2019, ce dispositif est loin de faire l’unanimité. Si d’aucuns y voient un nouveau mode d’expression des copropriétaires afin d’améliorer la participation aux assemblées, d’autres craignent au contraire une aggravation de l’absentéisme et de la qualité des débats.
article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020
Présentation du formulaire de vote par correspondance
Le modèle de formulaire de vote par correspondance est déterminé par arrêté (2 juillet 2020 - NOR : JUSC2016025A). Le document est divisé en trois parties, chacune très différente, mais l’une surtout constituent le formulaire proprement dit. Celle-ci comprend un tableau sur lequel figure les différentes résolutions avec, pour chacune d’elle, une case à cocher : POUR, CONTRE ou ABSTENTION. Deux colonnes portent sur la présentation des questions, l’une intitulée «Identification de l’objet» qui, dans la pratique reprendra l’intitulé de la résolution figurant dans l’ordre du jour («approbation des comptes», «désignation des membres du conseil syndical» …) et l’autre, dénommée «Questions» et qui, au choix, reprendra le libellé de la résolution, son numéro…
Le copropriétaire devra signer le formulaire et, dans l’hypothèse où il comprendrait plusieurs pages, parapher chacune d’elle.
Pris en application d’un texte d’ordre public (art. 17-1 A et 43, loi du 10 juillet 1965), ce formulaire ne devrait normalement souffrir aucune modification. Cependant, afin de permettre une certaine souplesse, il est possible de l’adapter et de le modifier mais sans qu’aucune des mentions du modèle ne puisse être supprimée (art. 1er, arrêté du 2 juillet 2020).
Le formulaire doit obligatoirement être joint à la convocation de l’assemblée générale (art. 9, décret du 17 mars 1967).
La transmission du formulaire
Le formulaire doit être réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de l’assemblée générale. Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique, il est présumé réceptionné à la date de l’envoi (art. 9 bis, décret du 17 mars 1967). Le délai franc s’entend comme un délai comprenant l’écoulement d’une journée entière de 0 h à 24 h. Par conséquent, si l’assemblée générale se tient un vendredi par exemple, il faut procéder au décompte suivant :
- premier jour franc : jeudi
- deuxième jour franc : mercredi
- troisième jour franc : mardi.
Le formulaire devant être réceptionné au plus tard trois jours francs avant la réunion, il devra parvenir au syndic lundi, dernier délai. Mais qu’en est-il si l’assemblée générale a lieu un jeudi ? Dans ce cas, le syndic devra recevoir le formulaire de vote un dimanche, ce qui n’est pas possible sauf envoi électronique. En principe, tout délai expirant un samedi, dimanche, jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (art. 642 Code de procédure civile). Or, si l’on devait appliquer cette mesure, cela aboutirait alors à réduire le délai minimum de trois jours francs. Aussi la règle de prorogation des délais ne joue-t-elle pas lorsqu’il s’agit d’un délai à rebours (Cass. 2e civ., 14 février 1990) de sorte que, toujours dans notre exemple, le formulaire communiqué par voie postale au syndic lorsque l’assemblée générale se tient un jeudi devra parvenir au plus tard le vendredi de la semaine précédente.
Prise en compte du vote du copropriétaire
Le copropriétaire indique, pour chaque résolution, le sens de son vote en cochant la case correspondant à son choix. Toutefois, si la résolution en question est amendée en cours d’assemblée générale, le votant par correspondance ayant voté favorablement est alors assimilé à un copropriétaire défaillant pour cette résolution (art. 17-1 A, loi du 10 juillet 1965). Le texte est d’ailleurs très général de sorte qu’un simple amendement rédactionnel serait de nature à entraîner une requalification du vote. Au syndic d’être vigilant car dès lors que le copropriétaire est assimilé à un défaillant, il faudra retirer les voix de l’intéressé dans le calcul de la majorité.
Le formulaire de vote est automatiquement écarté lorsque le copropriétaire participe finalement à l’assemblée générale ou s’y fait représenter (art. 14-1, décret du 17 mars 1967).
Formalités administratives
La feuille de présence doit indiquer les coordonnées des copropriétaires ayant voté par correspondance et mentionner la date de réception du formulaire par le syndic (art. 14, décret du 17 mars 1967).
Par ailleurs, le procès-verbal doit préciser, sous l’intitulé de chaque question, les noms et nombre de voix des copropriétaires qui ont été assimilés à un défaillant consécutivement à une modification rédactionnelle de la résolution (art. 17, décret du 17 mars 1967).
Limites du vote par correspondance et interrogations
Bien qu’utile, le vote par correspondance atteint rapidement ses limites et bon nombre de situations risquent de s’avérer problématique. A titre d’exemple, qu’en est-il de la désignation des membres du conseil syndical ? S’il est possible de se prononcer sur les membres sortants, cela est nettement plus complexe en cas de candidatures manifestées en séance, le copropriétaire votant à distance ne pouvant en prendre connaissance.
De même, quel comportement adopter face à une passerelle de majorité ? Va-t-on considérer que le copropriétaire qui a voté par correspondance conserve la même position ? Théoriquement non vu qu’il s‘agit de deux votes distincts même s’ils portent sur une résolution unique. Il sera donc considéré comme votant pour le premier vote mais défaillant pour le second, à moins que le syndic n’ait prévu expressément cette hypothèse dans le formulaire.
Autre exemple : quel sera le statut du copropriétaire dont le vote ne sera pas identifiable (cocher deux cases par exemple) ? Sera-t-il opposant ? Défaillant ? Considéré comme n’ayant pas pris part au vote ? Autant d’interrogations et bien d’autres qui naîtront de la pratique. A charge pour le juge de trancher et, par la suite, au législateur d’en tirer les conséquences.