Syndic : Action en justice et habilitation

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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action en justice et habilitation du syndicSelon une étude publiée par la Chancellerie, plus de 44 500 affaires ont été portées devant les tribunaux en 2017, dont les deux-tiers uniquement sur les impayés. Un nombre relativement important et en constante augmentation au fil des années.

Les motifs de saisine sont multiples et l’action peut être intentée, selon les cas, par un copropriétaire ou pour le compte du syndicat.

Dans cette hypothèse, il conviendra alors de s’assurer si une habilitation du syndic est nécessaire ou non.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 662 d'octobre 2020

L’action portée par le seul représentant légal de la copropriété.-

Il ressort de l’application combinée des articles 15 et 18 de la loi du 10 juillet 1965 que le syndicat ne peut agir en justice, tant en demande qu’en défense, que par le biais de son syndic. Un copropriétaire ne peut donc agir de sa propre initiative pour le compte de la collectivité.

L’action ut singuli introduite par l’ordonnance du 30 octobre 2019, en ce qu’elle permet au président du conseil syndical, après avoir été mandaté par l’assemblée générale, d’agir au nom du syndicat, constitue un cas particulier. En effet, cette action ne concerne que la mise en responsabilité du syndic en cas de carence ou d’inaction de sa part. L’objet de la demande est donc clairement délimité et en dehors de cette hypothèse, il appartient au seul syndic de représenter la copropriété dans toutes les actions en justice la concernant. A charge pour lui de rendre compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites.

 

L’autorisation préalable du syndic.-

Le principe est clairement posé : «le syndic ne peut agir au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de d’assemblée générale» (art. 55 Décret du 17 mars 1967). Cette autorisation est prise à la majorité de l’article 24.

Il importe peu qu’il s’agisse d’une intervention en demande ou en défense, tout comme la nature de la juridiction (judiciaire ou administrative) n’a pas à être prise en considération.

L’autorisation accordée doit être suffisamment précise et n’être délivrée qu’à l’encontre de personnes nommément désignées en vue d’un objet déterminé (Cass. 3e civ., 3 déc. 2002). On ne saurait ainsi habiliter le syndic à ester en justice contre un copropriétaire non désigné (Cass. 3e civ., 26 sept. 2007) ou pour des désordres qui ne sont pas encore apparus (Cass. 3e civ., 2 juil. 2008). Les juges sont d’ailleurs extrêmement sévères sur ce point. A titre d’exemple, une habilitation portant sur la contestation d’une construction non-autorisée ne vaut pas pour la démolition de plusieurs ouvrages (Poitiers, 1er juin 2016). De même, l’autorisation donnée d’agir contre le propriétaire de lots ne peut lui permettre d’agir contre le locataire d’un de ces mêmes lots (Paris, 5 mai 2010). Mais l’on a vu des cas où les juges semblaient faire preuve d’une certaine souplesse. Voir, par exemple, cette décision rappelant qu’aucun texte n’impose l’identification des personnes assignées dans l’autorisation accordée au syndic (Cass. 3e civ., 15 juin 2000). Ou encore cette affaire dans laquelle les magistrats ont considéré qu’il importait peu que l’autorisation ne désignait pas nommément les intervenants dès lors qu’elle était assez explicite pour qu’ils soient identifiables (Paris, 20 déc. 2000).

Toutefois, compte tenu des aléas de la jurisprudence et par sécurité, il est préférable d’être le plus précis possible dans l’habilitation conférée au syndic.

 

Conséquences du défaut d’autorisation.-

L’absence d’autorisation ou une autorisation irrégulière entache l’intégralité de la procédure. Des conséquences assez radicales qui nécessitent de reprendre l’action depuis le début.

Un tempérament existe néanmoins, la situation pouvant être régularisée en cours d’instance. Ainsi une assemblée générale peut-elle ratifier a posteriori les actions intentées par le syndic sans autorisation (Cass. 3e civ., 1er février 1983). De même, l’habilitation est-elle susceptible d’intervenir durant l’instance d’appel avant que la cour ne statue (Cass. 3e civ., 17 avril 1984).

Malgré cela, le contentieux tournant autour de la régularité de l’autorisation accordée demeure important, le but étant de faire échouer l’action pour un motif purement procédural. C’est pourquoi les textes ont été légèrement modifiés afin de limiter cette possibilité. Ainsi, le décret du 27 juin 2019 a-t-il rajouté un alinéa supplémentaire à l’article 55 du décret du 17 mars 1967 : désormais, seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice. Une avancée considérable empêchant la partie adverse tiers à la copropriété (constructeur, assureur…) de soulever ce motif d’irrecevabilité de la demande.

 

Les cas où l’autorisation n’est pas requise.-

Pour des raisons évidentes d’efficacité et de célérité, l’autorisation de l’assemblée générale n’est pas requise dans certains cas, le syndic pouvant agir en justice de sa propre initiative. Il en va ainsi pour :

- les actions en recouvrement de créance (impayés d’un copropriétaire, par exemple) ;

- la mise en œuvre des voies d’exécution forcée, à l’exception de la saisie immobilière qui nécessite une autorisation de l’assemblée générale ;

- les mesures conservatoires (déclaration de créance…) ;

- l’opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques ;

- les demandes relevant des pouvoirs du juge des référés (demande de remise en état des lieux lorsqu’un copropriétaire réalise des travaux sans autorisation affectant les parties communes) ;

- les demandes en vue de défendre aux actions intentées contre le syndicat ;

- la désignation d’un mandataire ad hoc ou d’un administrateur provisoire ;

- la désignation d’un expert lorsqu’un plan de sauvegarde est nécessaire.

À ces cas visés par les textes, la jurisprudence en a ajouté un autre, à savoir la possibilité de mettre en œuvre une voie de recours (appel ou pourvoi en cassation par exemple). Les juges considèrent, en effet ,que le pouvoir que le syndic tient de la loi pour représenter le syndicat en justice comporte celui de faire appel (Cass. 3e civ., 9 juil. 1985).

 

CLCV