L’absentéisme croissant des copropriétaires aux assemblées générales a poussé le législateur à mettre en place des passerelles de majorité permettant ainsi de voter à nouveau sur une même résolution, mais à une majorité moindre.
L’avantage d’un tel dispositif est d’éviter toute paralysie du processus décisionnel.
Toutefois, si l’ordonnance du 30 octobre 2019 a apporté quelques modifications en ce domaine, la rédaction de celles-ci demeure perfectible et ne manque pas de soulever des interrogations.
L’automaticité du recours à la passerelle de l’article 25-1
Depuis le 1er juin 2020, l’article 25-1 est ainsi rédigé : « Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiatement à un second vote ». Cette nouvelle rédaction s’avère bien plus directive que la précédente. En effet, l’ancien article 25-1 ne faisait du recours à la passerelle de majorité qu’une simple faculté, les copropriétaires étant libres d’y procéder ou non. Désormais, compte tenu de l’emploi de l’indicatif (l’assemblée «se prononce»), le texte pose l’obligation d’organiser un second vote dès que les conditions sont réunies, à savoir l’obtention d’au moins un tiers des voix du syndicat.
Autre modification, la suppression de la possibilité de convoquer une assemblée générale de rattrapage lorsque la résolution n’a pas obtenu le tiers des voix. Cette faculté n’était que très rarement utilisée en raison du coût engendré par une nouvelle convocation de sorte que les auteurs de l’ordonnance ont jugé bon de la supprimer.
Les résolutions concernées par l’article 25-1
Il est un point qui risque d’être source de contentieux : cette passerelle s’applique-t-elle à toutes les résolutions relevant de la majorité de l’article 25 ou faut-il qu’un texte le prévoie expressément ?
Pour les résolutions visées expressément à l’article 25, la passerelle s’applique systématiquement, ce qui n’était pas le cas auparavant. L’article 25-1, sous l’empire de son ancienne rédaction, excluait effectivement les décisions relatives aux travaux comportant transformation, addition ou amélioration d’une part, la demande d’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation d’autre part. Mais qu’en est-il des résolutions soumises à la majorité de l’article 25 mais visées par un autre article de la loi du 10 juillet 1965 ?
Avant la réforme par ordonnance du 30 octobre 2019, le recours à la passerelle de majorité n’était possible que s’il était expressément prévu. A titre d’exemple, l’assemblée générale de copropriété peut affecter tout ou partie des sommes déposées sur le fonds de travaux au financement de certaines opérations «dans les conditions de majorité prévues aux articles 25 et 25-1» (art. 14-2, loi 10 juil. 1965), mais, en parallèle, cette même assemblée fixe le montant des marchés et contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est obligatoire en « statuant à la majorité de l’article 25 » (art. 21, loi 10 juil. 1965). Si le recours à l’article 25-1 est expressément prévu dans un cas, il ne l’est pas dans l’autre.
La volonté des auteurs de l’ordonnance est de généraliser l’application de l’article 25-1 à toutes les résolutions relevant de la majorité de l’article 25, qu’elles soient expressément visées par cet article ou par toute autre disposition. Le rapport fait au Président de la République et accompagnant l’ordonnance est clair sur ce point : « pour favoriser la prise de décision et lutter contre les effets néfastes de l’abstentionnisme (sic) au sein des copropriétés, cette procédure de la passerelle est désormais étendue à toutes les décisions relevant de la majorité absolue de l’article 25 ».
Cependant, il n’est pas certain que la rédaction du texte publié permette une telle analyse. Pour cela, il faut revenir à la rédaction de l’article 25-1 telle qu’elle était envisagée dans le projet d’ordonnance.
« Nonobstant toute disposition contraire, lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés en procédant immédiatement à un second vote. »
L’emploi du terme «nonobstant» montre bien l’intention de vouloir appliquer l’article 25-1 à toutes les situations. On notera d’ailleurs que cette rédaction est calquée sur celle du nouvel article 26-1, dont l’incipit est identique (« Nonobstant toute disposition contraire, lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité prévue au premier alinéa de l’article 26… ») et qui a également vocation à s’appliquer à toutes les résolutions relevant de la majorité de l’article 26. Or, pour des raisons que la raison ne connaît point, mais le Conseil d’Etat peut-être, la rédaction de l’article 25-1 a été modifiée pour devenir celle finalement publiée. La suppression du parallélisme rédactionnel entre ces deux dispositions (les articles 25-1 et 26-1) ne peut qu’interroger sur ses conséquences pratiques.
Selon nous, le fait que la nouvelle rédaction du texte fasse référence à des décisions visées par d’autres dispositions que l’article 25 ne permet pas de déduire que la passerelle s’applique d’office à toutes les résolutions relevant de la majorité absolue. Au contraire, il s’agit de préciser que les décisions concernées peuvent être visées par toutes dispositions de la loi de 1965 ou de n’importe quel autre texte, à voir ensuite au cas par cas si le recours à la passerelle est possible ou non.
En tout état de cause, la nouvelle rédaction de l’article 25-1 est loin de refléter avec limpidité l’intention première de ses auteurs. Sur ce point, on ne peut qu’espérer que la loi de ratification apportera les modifications nécessaires.