[N°654] - Les travaux d'intérêt collectif

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Si les travaux d’économie d’énergie réalisés en copropriété portent essentiellement sur des parties communes (façade, toiture, chaudière…), les parties privatives peuvent également être impactées (remplacement des fenêtres par exemple). Or, sous réserve d’obtenir l’unanimité, ce qui relève généralement du vœu pieux, il est impossible d’imposer des travaux sur une partie privative.

C’est pour faciliter la rénovation énergétique des bâtiments que le législateur est alors intervenu en introduisant la notion de «travaux d’intérêt collectif».

 
Les travaux d’économie d’énergie et majorité applicable

La réalisation de travaux d’économie d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre est votée à la majorité de l’article 25 avec possibilité, le cas échéant, de recourir à la passerelle de l’article 25-1, quand bien même seraient-ils imposés par la loi ou par une autorité administrative. En effet, si les travaux obligatoires relèvent d‘ordinaire de la majorité simple de l’article 24, la loi ELAN est intervenue pour précisément aggraver la majorité applicable en ce domaine bien précis. En un sens, le raisonnement du législateur s’entend : les travaux d’économie d’énergie étant couteux, il n’est pas aberrant de rechercher à ce que leur vote recueille l’approbation du plus grand nombre possible de copropriétaires. Mais la passerelle de majorité tend à faire perdre quelque peu de sa superbe à cette intention initiale puisque, dès lors que les conditions de l’article 25-1 sont réunies, il sera possible de procéder à un second vote à la majorité de l’article 24.

Au-delà de ces travaux d’économie d’énergie, l’assemblée générale peut également, à la majorité des articles 25 et 25-1, voter des travaux dits «d’intérêt collectif» portant sur les parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné.



La notion de travaux d’intérêt collectif

La notion de travaux d’intérêt collectif a été créée par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite également loi «Grenelle II»). L’objectif premier est de favoriser la réalisation d’opérations de rénovation énergétique globale, permettant ainsi à l’assemblée générale de voter des travaux portant à la fois sur les parties communes de l’immeuble (toiture, façade…) et les parties privatives des lots appartenant aux copropriétaires (fenêtres, volets…), à leurs frais.

Et c’est là qu’est l’originalité du dispositif : l’assemblée générale va imposer à un copropriétaire de réaliser des travaux dans ses parties privatives et d’en supporter le coût. À ne pas confondre avec l’obligation faite à un copropriétaire de laisser l’accès à ces lots pour la réalisation de travaux votés en assemblée générale mais portant sur des parties communes (réfection de canalisations nécessitant de rentrer dans les logements ou les caves par exemple).

Toutefois, les travaux d’intérêt collectif sont limités. Il s’agit :
- des travaux d’isolation thermique des parois vitrées donnant sur l’extérieur comprenant, le cas échéant, l’installation de systèmes d’occultation extérieurs ;
- de la pose ou du remplacement d’organes de régulation ou d’équilibrage sur les émetteurs de chaleur ou de froid (robinets thermostatiques par exemple) ;
- de l’équilibrage des émetteurs de chaleur ou de froid ;
- de la mise en place d’équipements de comptage des quantités d’énergies consommées (compteur d’énergie thermique, répartiteur de frais de chauffage…).
Cette liste est exhaustive de sorte que l’on ne saurait imposer à un copropriétaire la réalisation d’autres travaux (isolation intérieure du logement…).



Les recours des copropriétaires

Comme toute résolution, la décision de l’assemblée générale s’applique à tous les copropriétaires, y compris ceux qui s’y sont opposés et le fait que cela affecte leurs parties privatives n’a pas d’incidence. Les seuls recours sont donc ceux classiquement utilisés en cas de contestation d’une résolution : adoption à une majorité inférieure à celle prévue par les textes, défaut de communication des documents permettant aux copropriétaires de se prononcer en toute connaissance de cause, non-respect des règles de convocation de l’assemblée générale…

Toutefois, des situations injustes peuvent survenir, notamment si un copropriétaire a déjà de sa propre initiative, réalisé des travaux d’économie d’énergie (remplacement d’anciennes fenêtres par d’autres en double ou triple vitrage par exemple). Imposer la réalisation de travaux similaires ou identiques risque, non seulement de mettre en difficulté financière les copropriétaires concernés, mais également de nuire au processus décisionnel, l’assemblée générale pouvant alors hésiter à se lancer dans un tel projet. C’est pourquoi il est possible pour un copropriétaire de s’exonérer lorsqu’il démontre avoir réalisé des travaux équivalents dans les dix dernières années. D’où l’utilité de conserver les documents techniques des différents équipements installés.

 

La répartition des charges

La grille de répartition des charges figurant dans le règlement de copropriété concerne les charges affectant les parties communes : elle ne saurait donc être utilisée pour des travaux portant sur des parties privatives. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation, dans un arrêt du 22 mars 2018. Dans cette affaire, l’assemblée générale avait voté, en plus du ravalement de la façade de l’immeuble, la réfection des bois des balcons, parties privatives. La Haute juridiction a ici estimé que la grille de répartition des charges générales ne pouvait s’appliquer, rendant ainsi nécessaire la détermination d’autres types de répartitions, en l’espèce au mètre linéaire.

Il sera procédé de la sorte ici, chaque copropriétaire supportant l’intégralité du coût des travaux portant sur ses parties privatives. Ainsi, dans l’hypothèse du remplacement de l’ensemble des fenêtres de l’immeuble, le coût global de l’opération ne sera pas réparti selon les tantièmes généraux des copropriétaires : chacun d’eux supportera le coût réel des travaux dans son logement (au nombre de fenêtres, par exemple).