S’il est une mesure de la loi ALUR qui continue de faire parler d’elle en matière de copropriété, c’est bien celle relative à la mise en concurrence obligatoire des syndics. Décriée par les professionnels et peu appliquée par les copropriétaires, cette disposition avait tout pour rejoindre le cimetière des bonnes intentions non suivies d’effet. C’était sans compter le discours du Premier ministre qui, à l’occasion du 10ème anniversaire de l’Autorité de la concurrence, a déclaré sans ambages vouloir rendre effective la concurrence des syndics.
L’obligation de mise en concurrence : présentation du dispositif
L’obligation de mise en concurrence du syndic a été instituée par la loi ALUR de 2014. Le dispositif était cependant lourd et complexe, avec notamment l’obligation d’informer tous les copropriétaires lorsque le conseil syndical décidait de ne pas mettre le syndic en concurrence compte tenu de l’état du marché local. C’est finalement la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui a modifié la matière et institué les règles que nous connaissons actuellement.
Ainsi, l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : «tous les trois ans, le conseil syndical procède à une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic avant la tenue de la prochaine assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet. Toutefois, le conseil syndical est dispensé de procéder à cette mise en concurrence lorsque l’assemblée générale annuelle qui précède celle appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic après mise en concurrence obligatoire décide à la majorité de l’article 25 d’y déroger. Cette question est obligatoirement inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale concernée.
Le conseil syndical peut se prononcer, par un avis écrit, sur tout projet de contrat de syndic. Si un tel avis est émis, il est joint à la convocation de l’assemblée générale, concomitamment avec les projets de contrat concernés.
Lorsque la copropriété n’a pas institué de conseil syndical, la mise en concurrence n’est pas obligatoire.»
L’obligation de mise en concurrence repose donc sur le conseil syndical, une nouveauté en soit, voire une révolution, car c’est la première fois qu’un texte impose réellement une obligation envers cet organe de la copropriété (exception faite du rapport d’activités écrit joint à la convocation de l’assemblée générale1). La seule possibilité d’échapper à cette mesure consiste à faire voter une dispense à la majorité de l’article 25, sans recours possible à la passerelle de l’article 25-1. Cette résolution doit obligatoirement être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’année précédant celle qui sera amenée à se prononcer sur la désignation du syndic. Autrement dit, pour un contrat de syndic expirant en 2022, la dispense devra être inscrite à l’assemblée générale de 2021.
Sur le principe, il s’agit d’une mesure intéressante car elle a le mérite de créer un débat sur l’opportunité ou non de changer de syndic. Nul doute que si les copropriétaires sont satisfaits de leur gestionnaire, cette résolution sera évacuée en quelques instants et relèvera de la simple formalité. En revanche, en cas de mécontentements ou si le conseil syndical est un peu fragile, alors les copropriétaires pourront se faire entendre et exiger une future mise en concurrence, ne serait-ce qu’à titre d’avertissement afin d’amener le syndic à davantage de rigueur dans sa gestion.
La périodicité de la mise en concurrence
La mise en concurrence doit se faire tous les trois ans. Il n’en a d’ailleurs pas toujours été ainsi, la première version du texte, telle qu’elle résultait de la loi ALUR, prévoyant une mise en concurrence systématique, à chaque désignation du syndic. Le fait de prévoir une périodicité allège ainsi le travail des conseillers syndicaux. Cependant, des difficultés peuvent survenir. Dans le cadre d’un contrat annuel ou de trois ans, la question ne se posera pas. Mais qu’en est-il si le syndic est élu pour dix-huit mois, voire deux ans ? Immanquablement, la mise en concurrence sera opérée en cours de mandat.
L’article 21 précité fait référence à une double condition, l’une temporelle (la périodicité de trois ans), l’autre factuelle (l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la désignation du syndic). Partant de là, il paraît difficile d’exiger de façon systématique une mise en concurrence lorsque celle-ci intervient en cours de mandat.
Sanctions en cas du non-respect de la mise en concurrence
Cette question a suscité de nombreuses interrogations : annulation de la désignation du syndic ? Responsabilité des conseillers syndicaux ? D’aucuns estimaient que le mandat du syndic ne saurait être remis en cause puisque l’obligation de mise en concurrence ne pèse pas sur lui. Argument fragile, l’absence de mise en concurrence pouvant affecter la légalité d’une résolution (CA Paris, 15 nov. 2017), mais qui se comprend. Car les conseillers syndicaux pourraient alors influer, de par leur comportement, sur la régularité de la désignation du syndic. Une façon détournée de remettre en cause son mandat.
Quelques décisions de justices sont venues apporter quelques précisions. Ainsi, le TGI de Nanterre, dans un jugement en date du 20 avril 2017, est venu préciser que les textes ne prévoyant aucune sanction, l’absence de mise en concurrence ne saurait remettre en cause la validité de la désignation du syndic. Toutefois, le syndic, en tant que professionnel, est soumis à un devoir de conseil et se doit d’informer les copropriétaires, et notamment les conseillers syndicaux, de l’obligation qui leur est faite de procéder à cette mise en concurrence, à défaut de quoi sa responsabilité pourra être engagée (CA Paris, 16 mai 2018).