[N°635] - Les animaux en copropriété

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Près d’un foyer sur deux possède un animal de compagnie. Autant dire que les amis des bêtes sont nombreux. Si l’on peut craquer pour une petite boule de poils, on oublie souvent que celle-ci va grandir et devenir chaque jour un peu plus envahissante, quitte à se rappeler aux bons souvenirs de nos voisins. Ajoutons à cela la problématique des NAC, ces “nouveaux animaux de compagnie” qui désignent en fait de charmantes bestioles provenant de contrées lointaines, et l’on peut vite se rendre compte que la possession d’un animal en copropriété n’est pas forcément un acte anodin.

La libre détention d’un animal familier
On ne peut interdire la détention d’un animal familier dans un local d’habitation. Le principe est clairement posé par l’article 10, § I, de la loi du 9 juillet 1970 :
«I - Sauf dans les contrats de location saisonnière de meublés de tourisme, est réputée non écrite toute stipulation tendant à interdire la détention d’un animal dans un local d’habitation dans la mesure où elle concerne un animal familier. Cette détention est toutefois subordonnée au fait que ledit animal ne cause aucun dégât à l’immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci.
Est licite la stipulation tendant à interdire la détention d’un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l’article L. 211-12 du Code rural et de la pêche maritime.»
Le règlement de copropriété ne peut donc contenir aucune restriction quant à la détention d’un animal familier, toute clause contraire étant expressément réputée non-écrite. La question se pose toutefois de l’application ou non d’une telle disposition dans l’hypothèse où elle serait prévue dans un règlement.
Théoriquement, une clause réputée non-écrite est inexistante de sorte que sa suppression n’a pas à être demandée : la clause n’existe pas, tout simplement.
Or, la Cour de cassation est venue préciser que «les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge» (Cass. 3è civ., 21 juin 2006). Cela signifierait qu’il est nécessaire d’intenter une action judiciaire pour procéder à l’annulation de la clause du règlement de copropriété qui interdirait la détention d’un animal familier. Cela nous paraît contraire à l’esprit des textes et tend à aligner sur un même régime les notions d’illicéité d’une clause et d’inexistence juridique.

La notion d’animal familier
Le droit d’avoir un compagnon à quatre pattes n’est pas absolu puisqu’il dépend de la nature même de l’animal en question.
On notera que la loi du 9 juillet 1970 ne définit nullement la notion d’animal familier. Bien sûr, on pense spontanément aux chiens ou aux chats. Les lapins et autre rongeurs de compagnie (hamsters, gerbilles…) peuvent également être inclus sans difficultés. Mais qu’en est-il pour des animaux plus exotiques | araignées, serpent… ? A cet égard, il est intéressant de noter qu’un bail a été résilié en raison de la détention, par un locataire, d’un serpent (CA Colmar, 25 octobre 1993), et ce malgré l’absence de troubles de voisinage. Par ailleurs, plusieurs conventions internationales ou règlements communautaires, applicables en France, interdisent le commerce et la possession d’animaux appartenant à des espèces protégées (lémuriens, par exemple).
Hormis ces textes supranationaux, la loi de 1970 précitée ne vise expressément la possibilité d’interdire que les chiens d’attaque dits «de première catégorie» visés à l’article L. 211-12 du Code rural et de la pèche maritime et définis par arrêté. Ainsi, à titre d’exemple, peuvent être interdits les chiens communément appelés pit-bulls ou boerbulls (arrêté du 27 avril 1999). Les chiens de «deuxième catégorie» sont ceux de garde et de défense (rottweilers, notamment) et ne sont pas concernés par cette possibilité d’interdiction.

L’absence de troubles de voisinage
La liberté d’avoir un animal de compagnie trouve ses limites dans le comportement de celui-ci. C’est notamment le cas lorsque l’animal en question est à l’origine de bruits ou d’odeurs… Le propriétaire pourra alors voir sa responsabilité engagée. Il lui appartiendra de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les troubles, ce qui peut aller jusqu’à se débarrasser de ses animaux (hypothèse où une personne détient un très grand nombre de chats, posant ainsi des problèmes d’odeurs et d’hygiène). Il ne faut pas oublier qu’un simple chien aboyant à longueur de journée peut engager la responsabilité de son maître. A lui de prendre les mesures qui s’imposent.
Par ailleurs, un bailleur ou un copropriétaire peut saisir le maire en cas de dangerosité d’un chien résidant dans un des logements dont il est propriétaire (art. L. 211-16 Code rural et de la pêche maritime). Le maire peut alors, s’il le juge nécessaire, imposer à son propriétaire de suivre une formation spécifique (art. L. 211-11 du même code).

Laisse et muselière dans les parties communes ?
Le propriétaire qui promène son chien dans l’immeuble doit-il le tenir en laisse et lui mettre une muselière ?
Le stationnement dans les parties communes des chiens de première catégorie est formellement interdit. Lors des promenades, y compris dans les parties communes, les chiens de la première et de la deuxième catégorie doivent être muselés et tenus en laisse par une personne majeure (art. L. 211-16 Code rural et de la pêche maritime).
Pour les autres chiens, rien n’est spécifié de sorte qu’un règlement de copropriété peut tout à fait prescrire des mesures visant à leur interdire l’accès de certaines parties communes (espaces verts ou aires de jeux par exemple), et imposer la tenue en laisse ainsi que la muselière.
Mais, même en l’absence de stipulations dans le règlement de copropriété, il n’est pas possible de laisser son chien en liberté. En effet, il est expressément interdit de laisser divaguer les animaux domestiques. Est notamment considéré comme en état de divagation, tout chien qui n’est plus sous la surveillance effective de son maître ou qui se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou qui est éloigné de lui de plus de cent mètres (art. L. 211-19-1 et L. 211-23, Code rural et de la pêche maritime).