Le paiement des charges constitue l'une des principales obligations du copropriétaire. Celles-ci sont divisées en deux catégories principales bien connues : les charges dites générales concernant la conservation, l'entretien et l'administration des parties communes, et celles dites spéciales résultant des services collectifs et éléments d'équipement communs. Or, pour ces dernières, il est fait appel à une notion qu'il n'est pas toujours aisé de cerner : le critère d'utilité.
«Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot». C’est ainsi que l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 définit les charges spéciales en faisant référence à deux notions, l’une relative aux services et éléments d’équipements communs, l’autre au critère d’utilité.
Définition des services et éléments d’équipement commun
Il appartient au règlement de copropriété de définir les éléments d’équipements commun de l’immeuble (ascenseur, chaudière…). C’est auprès de ceux-ci que le critère d’utilité va être apprécié. Toutefois, dans certains cas, la qualification peut s’avérer litigieuse.
Ainsi, l’ascenseur constitue l’exemple type de l’élément d’équipement commun dont les frais sont fonction de l’utilité qu’il représente pour chaque lot. Or, dans une affaire, un règlement de copropriété avait qualifié l’appareil, non pas d’«équipement», mais de «parties communes» de sorte que certains copropriétaires demandaient à ce que les charges y afférentes soient réparties en fonction des charges générales. Les juges ne se sont pas sentis liés par cette qualification et ont considéré que le critère d’utilité devait effectivement s’appliquer, nonobstant toute clause contraire (CA Paris, 13 juin 2002).
À l’inverse, dans d’autres cas, il est tenu compte de la qualification du règlement de copropriété. On citera, par exemple, les tapis d’escaliers. Que ceux-ci soient qualifiés d’équipement commun et les charges qui en résultent seront réparties en fonction du critère d’utilité (Cass. 3e civ., 23 novembre 1977). À l’inverse, une qualification de partie commune entraînera une répartition selon la proportion des valeurs relatives des parties communes (Cass. 3e civ., 10 mai 1994).
Il faut donc s’appuyer sur le règlement de copropriété et analyser au cas par cas l’intention du rédacteur en cas de disposition litigieuse.
Un cas problématique : la cage d’escalier
La cage d’escalier n’est pas un élément d’équipement au même titre qu’un ascenseur ou une chaufferie commune, mais fait partie du gros œuvre de l’immeuble. De jurisprudence constante, les travaux d’entretien ou de réfection des escaliers constituent des charges générales (Cass. 3e civ., 12 janvier 1982 par exemple, ou encore Cass. 3e civ., 21 janvier 2004). Mais quid de la participation des lots situés au rez-de-chaussée ? La question s’est posée à de multiples reprises et il a été jugé que ces derniers devaient participer aux frais afférents à l’escalier (CA Paris, 9 mars 2006). Dans une autre affaire, les magistrats ont estimé que la clause du règlement de copropriété qui exonère des lots n’ayant pas d’accès aux escaliers de toute participation aux frais d’éclairage et d’entretien ne s’appliquait pas aux travaux de rénovation de la cage d’escalier (CA Paris, 8 février 2012).
Le critère d’utilité
L’utilité que représente un service collectif ou un élément d’équipement commun doit s’entendre comme une utilité objective, c’est-à-dire comme potentielle à l’égard de chaque lot sans prendre en compte l’utilisation effective réalisée (CA Versailles, 16 avril 1992). En conséquence, le fait pour un copropriétaire de renoncer à l’utilisation d’un équipement ne l’exonère nullement de participer aux charges afférentes (Cass. 3è civ., 26 octobre 1983). Cela tombe sous le sens : il serait extrêmement complexe de fixer une grille de répartition des charges variable selon les utilisations des uns et des autres. Mais la notion d’utilisation objective, va plus loin.
Un copropriétaire qui, par exemple, se désolidarise du système de chauffage doit continuer de participer aux charges qui en découlent alors même qu’il n’a plus la faculté d’utiliser cet équipement (Cass. 3è civ., 26 octobre 1983).
De même, peu importe que l’équipement ne présente aucun intérêt objectif en raison de la configuration des lieux, dès lors que son utilisation demeure possible. Voir par exemple ce cas où les juges ont considéré qu’un copropriétaire devait supporter des charges d’ascenseurs dans la mesure où il n’y avait aucun obstacle matériel ou juridique à son utilisation, quand bien même cet élément n’en assure pas la desserte directe ou n’en constitue ni le seul accès, ni l’accès le plus commode, le plus rapide ou le plus court (CA Paris, 17 décembre 1982).
Plus subtil : un copropriétaire qui ne bénéficie pourtant pas d’un équipement, peut être contraint de participer financièrement à son fonctionnement et son entretien. C’est le cas du lot non raccordé au système de chauffage central : il suffit que le raccordement soit possible pour que les charges soient effectivement dues (Cass. 3è civ., 13 avril 1988). Ce n’est que si les travaux de raccordement sont importants et doivent être entrepris aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des locaux privatifs que le copropriétaire peut être exclu de la grille de répartition des charges (CA Versailles, 2 juin 1998).
L’utilité varie également en fonction d’autres critères que l’utilisation potentielle ou non d’un équipement. L’exemple type est l’ascenseur. Le critère d‘utilité est ici fonction du nombre de pièces principales des lots desservis et d’un coefficient d’étage prenant en compte la diminution de la fatigue par les copropriétaires et le gain de temps que leur procure l’ascenseur (CA Paris, 10 février 2000). On ne peut donc imputer une grille de charges d’ascenseur identique pour tous les lots d’un immeuble.