Peu de copropriétaires le savent, mais ceux qui n’ont pas donné leur accord aux travaux en assemblée générale, peuvent demander un étalement des paiements sur dix ans. Toutefois, cette faculté de paiement différé, échelonné, ne concerne que certaines opérations.
Les conditions relatives au paiement échelonné des travaux sont posées par l’article 33 de la loi du 10 juillet 1965 :
«La part du coût des travaux, des charges financières y afférentes, et des indemnités incombant aux copropriétaires qui n’ont pas donné leur accord à la décision prise, peut n’être payée que par annuités égales au dixième de cette part. Les copropriétaires qui entendent bénéficier de cette possibilité doivent, à peine de forclusion, notifier leur décision au syndic dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal d’assemblée générale. Lorsque le syndicat n’a pas contracté d’emprunt en vue de la réalisation des travaux, les charges financières dues par les copropriétaires payant par annuités sont égales au taux légal d’intérêt en matière civile.
Toutefois, les sommes visées au précédent alinéa deviennent immédiatement exigibles lors de la première mutation entre vifs du lot de l’intéressé, même si cette mutation est réalisée par voie d’apport en société.
Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables lorsqu’il s’agit de travaux imposés par le respect d’obligations légales ou réglementaires.»
Cet article pose des conditions portant aussi bien sur les copropriétaires pouvant bénéficier de ce dispositif que sur les travaux concernés.
Les conditions liées au copropriétaire
Seuls les copropriétaires qui n’ont pas donné leur accord aux travaux peuvent bénéficier de cet étalement sur dix ans. Sont donc principalement visés les opposants. Toutefois, la question se pose de savoir si seuls ces derniers sont concernés. Selon nous, le copropriétaire absent devrait pouvoir également bénéficier du paiement différé du coût des travaux. La Cour de cassation va d’ailleurs en ce sens, mais pose une condition qui ne nous paraît pas forcément fondée, à savoir l’obligation pour le copropriétaire concerné d’intenter une action en contestation de la résolution relative aux travaux (Cass. 3e civ., 26 mai 1993).
Devraient également pouvoir bénéficier du dispositif les copropriétaires abstentionnistes, puisque, formellement, ils n’ont pas donné leur accord au projet de travaux, ainsi que les copropriétaires défaillants, c’est-à-dire ceux qui ont participé à l’assemblée générale en leur seule qualité de mandataire et qui ont refusé d’émarger la feuille de présence pour leurs lots de sorte que leurs voix personnelles n’ont pas été prises en compte.
Un débat jurisprudentiel avait eu lieu sur le délai dans lequel les copropriétaires devaient se manifester pour demander l’application de l’article 33. On en était arrivé à cette fameuse notion de «délai raisonnable» (CA Paris, 24 octobre 1997), peu précise il est vrai. Le législateur est finalement intervenu dans le cadre de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit, pour venir apporter les ajustements nécessaires. Ainsi, la demande doit parvenir au syndic dans les deux mois qui suivent la notification du procès-verbal de l’assemblée générale. Le retard éventuel du syndic dans la communication dudit procès-verbal, qui doit se faire dans les deux mois qui suivent la tenue de l’assemblée générale, n’a pas d’incidence : l’action du copropriétaire sera juste reportée dans le temps.
Le délai de deux mois est un délai préfix, qui ne peut faire l’objet de suspension ou d’interruption.
La faculté d’étalement du coût des travaux est un droit : dès lors que les conditions sont remplies, elle ne saurait être refusée au copropriétaire qui en fait la demande. Une exception a toutefois été posée par la jurisprudence : il a ainsi été considéré qu’un copropriétaire qui paye, dès le premier appel de fonds, une somme largement supérieure au dixième du montant total, manifestait sa décision de ne pas se prévaloir de la faculté de paiement échelonné (CA Paris, 23 septembre 1996).
Les travaux concernés
Sont expressément exclus du dispositif les travaux obligatoires. Ainsi, un ravalement de façade imposé par la municipalité ou les travaux de sécurisation des ascenseurs ne peuvent donner lieu à un échelonnement de leur coût. Avec l’apparition de travaux d’économie d’énergie obligatoires dans certains cas (les fameux «travaux embarqués»), les opérations les plus coûteuses ne permettront pas de bénéficier de la faculté de paiement différé, ce qui peut poser des problèmes financiers à certains copropriétaires. D’où la nécessité de réfléchir le plus en amont possible au financement de ces travaux (aides financières, plan pluriannuel…).
La question se pose de savoir si cette interdiction se limite aux seuls travaux obligatoires, le texte ne donnant pas une définition précise des opérations concernées. En fait, c’est dans l’ordonnancement même de la loi du 10 juillet 1965 que l’on va trouver la réponse à cette question. L’article 33 se trouvant dans un chapitre relatif à l’amélioration de la copropriété, la faculté de paiement échelonné est limitée à ceux-ci, ce qui exclut les travaux d’entretien. Ce point a d’ailleurs été confirmé par la jurisprudence (CA Paris, 10 janvier 1997).
Un problème toutefois : qu’en est-il lorsqu’une même opération comprend à la fois des travaux d’entretien et d’amélioration ? Il faudra alors isoler le coût des travaux d’amélioration, et c’est uniquement sur ces derniers que la faculté d’étalement décennal sera possible.
Le paiement immédiat en cas de vente
Les sommes restant à devoir deviennent immédiatement exigibles en cas de vente. Cela est logique puisque le copropriétaire en question dispose alors de liquidités suffisantes pour apurer sa dette. Le vendeur devra donc s’acquitter du solde du coût des travaux.