[N°629] - Le recouvrement anticipé des provisions

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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Les impayés constituent un véritable fléau dans les copropriétés, au risque parfois de compromettre la solidité financière de celles-ci. Afin de faciliter le recouvrement des charges, le législateur a institué une procédure intéressante consistant à réclamer, non seulement les sommes dues, mais également celles qui ne sont pas encore exigibles.

Description du dispositif

La possibilité de procéder au recouvrement anticipé des provisions n’est pas récente puisqu’elle a été instituée par la fameuse loi SRU du 13 décembre 2000. C’est cette dernière qui a créé, au sein de la loi du 10 juillet 1965, un article 19-2 décrivant cette procédure.
Ainsi, à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision prévue à l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou d’une cotisation du fonds de travaux obligatoire, les autres provisions et cotisations non encore échues deviennent immédiatement exigibles après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception restée infructueuse pendant plus de trente jours à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile de son destinataire. Après avoir constaté le vote, par l’assemblée générale, du budget prévisionnel ou du taux de la cotisation relative au fonds de travaux et la déchéance de leur terme, le président du tribunal de grande instance, statuant comme en matière de référé, peut alors condamner le copropriétaire défaillant au versement des provisions et cotisations devenues exigibles. L’ordonnance est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.
Lorsque la mesure d’exécution porte sur une créance à exécution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une créance de loyer ou d’indemnité d’occupation, cette mesure se poursuit jusqu’à l’extinction de la créance du syndicat résultant de l’ordonnance.

Mise en œuvre du recouvrement anticipé des provisions

Le principe même de ce dispositif est intéressant : déclarer exigible une dette qui n’existe pas encore. Le but est de permettre aux syndics de recouvrer plus efficacement les charges auprès de copropriétaires débiteurs chroniques. Malheureusement, la procédure s’avère finalement extrêmement restrictive et, de fait, peu utilisée.
En effet, l’article 19-2 ne concerne que deux types de charges, les provisions issues du budget prévisionnel et les cotisations du fonds de travaux obligatoire. De fait, les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel définies à l’article 44 du décret du 17 mars 1967 (à savoir notamment les travaux de conservation ou d’entretien de l’immeuble autre que ceux de maintenance ou les travaux d’amélioration) ne peuvent faire l’objet d’une action en recouvrement anticipé. Par ailleurs, il doit s’agir des provisions de l’exercice en cours (Cass. 3e civ., 22 sept. 2010, n° 09-16.678). Les dettes issues d’un exercice antérieur ne peuvent être ici visées et il appartiendra alors au syndic d’intenter une action classique en recouvrement, telle une injonction de payer par exemple. De même, l’article 19-2 visant expressément les «provisions», la somme exigée en fin d’exercice suite à l’approbation des comptes, est exclue du dispositif puisqu’elle ne constitue plus une provision. Le champ d’application s’avère donc restreint.
La procédure, quant à elle, suit un canevas bien précis. Une fois la dette constatée, c’est-à-dire en cas de défaut de paiement au premier jour de chaque trimestre ou de la période définie par l’assemblée générale (art. 14-1, loi du 10 juillet 1965), le syndic doit mettre en demeure le copropriétaire défaillant de s’acquitter de ses obligations financières. Passé un délai de 30 jours, le président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble pourra alors être saisi «en la forme des référés». Il ne s’agit pas d’une action en référé proprement dite de sorte que les conditions visées à l’article 808 du Code de procédure civile, à savoir la nécessité d’une urgence et l’absence de contestation sérieuse, ne sont pas exigées.
Il appartiendra, ensuite, au juge de décider ou non de l’exigibilité immédiate des provisions, les textes lui laissant un pouvoir discrétionnaire en la matière. L’issue même de la procédure comporte donc un certain aléa. Le juge vérifiera surtout la nature des sommes qui sont réclamées au copropriétaire défaillant et l’exercice comptable concerné, de sorte qu’il pourra tout à fait déclarer l’action irrecevable si les dépenses ne concernent pas le budget prévisionnel ou le fonds de travaux.
La nature restreinte de la procédure décrite à l’article 19-2 fait que cette action est peu prisée des syndics, ces derniers préférant des procédures plus souples à l’instar de l’injonction de payer. Il est dommage que les préconisations du rapport de Dominique Braye (Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés, janvier 2012), qui ont pourtant grandement inspiré le législateur de la loi ALUR, n’aient pas été suivies sur ce point. En effet, celui-ci préconisait d’étendre la procédure en recouvrement anticipé à toutes les dépenses pour travaux, donc celles non comprises dans le budget prévisionnel et de prendre en compte, non seulement l’exercice en cours mais également l’exercice n+1. Ces mesures auraient considérablement améliorées l’attractivité de l’article 19-2, facilitant ainsi la lutte contre les impayés.