[N°624] - L’archivage à l’ère du numérique

par Nathalie FIGUIERE-BROCARD
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L’archivage répond à la nécessité de retrouver la trace d’une information passée dans l’oubli, au moins momentanément. C’est un moyen de preuve qui doit être réalisé de manière rigoureuse et fiable. En copropriété, il participe d’une gestion efficace de l’immeuble.

L’obligation du syndic

Le syndic détient les archives du syndicat «ainsi que toutes conventions, pièces, correspondances, plans, registres, documents et décisions de justice relatifs à l’immeuble et au syndicat» (art. 33 du décret du 17 mars 1967).
En cas de succession de syndics, il revient notamment à l’ancien syndic d’avoir l’initiative de remettre au nouveau syndic, «l’ensemble des documents et archives du syndicat». La contrainte est d’ordre public. Aucune dérogation n’est tolérée (sauf pour les documents qui n’ont jamais existé, cf. Cass. 3e civ., 3 novembre 2011, n° 10-21.009).
Les modalités de la transmission sont organisées par le législateur en vue de garantir une certaine célérité (art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965).
Lorsque le syndicat a choisi en assemblée générale de confier «tout ou partie de ses archives» à un prestataire spécialisé, il est tenu d’informer ce prestataire de ce changement en lui communiquant les coordonnées du nouveau syndic (art. 18-2, al. 1er, de la loi de 1965).


Quelles archives ?

D’après le Code du patrimoine, «les archives sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale…» (art. L. 211-1 tel qu’il résulte de la loi du 7 juillet 2016). Dans une copropriété, il s’agit des pièces administratives et comptables (cf. art. 33, al. 1er, du décret de 1967). Chaque immeuble ayant ses particularités, il est donc impossible de dresser une liste exhaustive des éléments visés.
Le spectre est d’autant plus étendu qu’il est aujourd’hui de plus en plus facile de référencer des données par voie numérique (voir notamment les réflexions des géomètres sur la maquette numérique dans le numéro des Informations rapides de la copropriété de septembre 2016, p. 22).
La dématérialisation offrirait, a priori, un archivage sans limite de conservation dans le temps. Cependant, tous les syndics n’ont pas le même espace de stockage. Ceci risque donc de poser des difficultés techniques en cas de succession de syndics équipés d’outils informatiques incompatibles. Sera-t-on contraint, à terme, d’ouvrir des espaces de stockage externalisés dont les mots de passe d’accès seront transmissibles entre syndics ? Cette communication sera-t-elle assimilable à l’obligation de portabilité des pièces que doit aujourd’hui assumer l’ancien syndic (Cass. 3civ., 3 novembre 2011, précité) ? C’est ici nourrir le débat de la “blockchain” très clairement exposé par Bertrand Wehrle-Detroye dans le numéro des Informations rapides de la copropriété de septembre 2016 (p. 6).
L’archivage numérique en vue d’une exploitation sur l’extranet de la copropriété, est sans conteste une facilité pour des copropriétaires non-résidents, car il permet une gestion à distance de son bien 24h/24. Mais son intérêt se cristallise sur les seuls bénéficiaires d’une connexion internet.  


Un moyen pour informer ?

La tendance est aujourd’hui de renforcer l’information du futur acquéreur, des pouvoirs publics au travers du registre d’immatriculation, des copropriétaires avec le futur carnet d’entretien numérique (art. L. 721-1 et L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation, décret du 26 août 2016, loi du 17 août 2015), etc.
À noter que, ni l’information des occupants ni l’accès aux pièces justificatives des charges ne font (par oubli ?) expressément référence à la dématérialisation (décrets du 15 décembre 2015 et du 30 décembre 2015). Cette limitation des supports constituera-t-elle une entrave à la modernisation des échanges ?
En tout état de cause, la quantité d’informations à collecter, à mettre à jour et à stocker ne cesse de grandir. Le risque de contradiction devient progressivement inévitable. Ne faudrait-il pas penser le recensement de données d’une manière plus efficiente afin que l’archivage retrouve son utilité ?


La rémunération du syndic

«La conservation et la gestion des archives sont comprises dans la mission ordinaire du syndic» (art 33, d. al., du décret de 1967). La transmission des archives ne peut pas faire l’objet d’une rémunération supplémentaire (Annexe -IV, 14° b du contrat type de syndic).
Aucune distinction entre les archives «dormantes» et celles «vivantes» n’a de fondement légal ou réglementaire. Il n’y a donc pas lieu d’y avoir recours pour justifier d’une différence de facturation. Il serait également injustifié pour les syndics de réclamer un paiement pour vérifier les documents de la copropriété avant leur insertion sur le site extranet de la copropriété, sans même avoir obtenu l’avis préalable du conseil syndical.
Mais le stockage d’une masse d’informations de plus en plus importante se répercutera financièrement, de manière inéluctable, sur les copropriétaires (voir C. E., 5 octobre 2016, n° 390465 et 390491).
Le recours exponentiel à la dématérialisation ne doit pas conduire à créer un capharnaüm qui rendrait impossible la recherche d’information ou l’établissement d’un bordereau d’archivage en cas de succession de syndics (art. 33-1 du décret de 1967).
Il est donc temps de concevoir un processus d’archivage en copropriété via le prisme de «l’intelligence collective», pour emboîter le pas de la «République numérique».