[N°616] - Pièces justificatives des charges - L’évolution législative

par Nathalie FIGUIERE-BROCARD
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Vivre en copropriété implique de répondre à l’obligation de payer des charges, c’est-à-dire, les dépenses incombant définitivement aux copropriétaires, chacun pour leur quote-part, après que l’approbation des comptes ait été validée par l’assemblée générale. Pour prendre une décision en toute connaissance de cause, au départ, le conseil syndical était le seul organe qui pouvait avoir accès aux pièces justificatives des charges, en application de sa mission de contrôle du syndic (art. 26, al. 1er, du décret).

Par Nathalie Figuière-Brocard, Juriste à l'association nationale de la copropriété et des copropriétaires (Ancc)

Apport de la loi du 31 décembre 1985

Pièces mises à disposition.- Les pièces consultables ne devaient concerner que les pièces justificatives des charges. Le législateur avait à cette fin mentionné expressément une liste non exhaustive qui visait «notamment les factures, les contrats de fourniture et d’exploitation en cours et leurs avenants ainsi que la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges».
Seule la consultation des pièces était organisée (le syndic n’était pas contraint de délivrer des copies).
 
Modalités de consultation.
• Il revenait à l’assemblée de fixer librement les modalités de mise à disposition des pièces à tous les copropriétaires, par le syndic, au moins un jour ouvré, pendant le délai s’écoulant entre la convocation de l’assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci.
• La décision pouvait être prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés (art. 24 de la loi) et elle faisait suite à un échange de vues avec le syndic. Le procès-verbal pouvait préciser que les modalités votées seraient valables pour toutes les assemblées à venir, sauf modification ultérieure.
• L’assemblée pouvait également décider que la consultation aurait lieu un jour où le syndic recevrait le conseil syndical pour examiner lesdites pièces, tout copropriétaire pouvant alors se joindre au conseil syndical ; toutefois, tout copropriétaire ayant manifesté son opposition à cette procédure lors de l’assemblée pouvait consulter individuellement les pièces le même jour.
• Les modalités de consultation devaient être rappelées dans la convocation d’assemblée, sous peine de fonder un copropriétaire à demander en justice l’annulation de la décision d’approbation des comptes ou de toute décision ayant une incidence directe ou indirecte avec des charges.
En cas d’absence de décision de l’assemblée, la consultation était de droit, et tout copropriétaire pouvait, le cas échéant, saisir le juge des référés afin d’être autorisé à consulter les pièces aux jours et heure qu’il fixerait.
 
Modifications depuis la loi du 24 mars 2014

La loi ALUR a modifié l’article 18-1 de la loi de 1965.
Élargissement du champ d’application.- La liste des pièces mises à disposition est élargie «le cas, échéant», à la note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs, quand elle existe.

Restriction du pouvoir de l’assemblée.- Le législateur supprime le régime précédent faisant reposer sur l’assemblé le pouvoir de fixer les modalités de consultation. Il prescrit au syndic de tenir les pièces à la disposition des copropriétaires et il renvoie à un décret en Conseil d’Etat la fixation des modalités de consultation. Le pouvoir d’expression de l’assemblée est ainsi restreint depuis le 27 mars 2014, date d’entrée en vigueur de la loi.

Régime à compter du 1er avril  2016.- Très attendu pour mettre fin au régime en vigueur depuis la loi ALUR, le décret paru au JO du 31 décembre 2015 a pour effet de modifier le décret de 1967 (d’ordre public). Il s’appliquera aux convocations d’assemblées chargées d’approuver les comptes, notifiées à compter du 1er avril 2016.
Un nouvel article 9-1 reprend partiellement le régime antérieurement mis en place.
• La période de consultation est inchangée (pendant le délai s’écoulant entre la convocation de l’assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci).
La consultation doit encore durer, a minima, pendant un jour ouvré. Mais, elle doit désormais être appropriée à «la dimension de la copropriété».
• Il revient dorénavant au syndic de fixer librement le lieu de la consultation (soit à son siège, soit au lieu où il assure habituellement l’accueil des copropriétaires), le ou les jours et les heures auxquels elle s’effectue. Pour un syndic professionnel, il devra s’agir d’une période à l’intérieur des jours et heures d’accueil physique déterminés dans le contrat de syndic. Cette nouvelle prérogative des syndics ne risque-t-elle pas d’être mal perçue par les copropriétaires ? La préparation de l’ordre du jour de l’assemblée générale, en concertation avec le conseil syndical, offrira l’occasion d’une discussion avec le syndic (art. 26, dernier al., du décret de 1967).
• Les informations devront, comme antérieurement, figurer dans la convocation d’assemblée, afin d’être portées à la connaissance de tous les copropriétaires (art. 9, al. 1er et al. 2, du décret de 1967). En l’absence de modalités, tout copropriétaire devrait encore, le cas échéant, être fondé à saisir le juge des référés.
• Les pièces devront à l’avenir être «classées par catégories» (par référence à l’ancienne version, il devrait s’agir des catégories de charges). En focalisant sur l’objet du contrôle, sans aller jusqu’à uniformiser le classement, le décret impose aux syndics une présentation ordonnée, a priori plus lisible pour la vérification à réaliser.
• Les documents mis à disposition pourront être, tant des originaux, que des copies dont les copropriétaires pourront obtenir, à leurs frais, une copie.
• Il est officiellement prévu que les copropriétaires pourront se faire assister d’un membre du conseil syndical. Cette collaboration peut s’avérer utile, mais elle ne devrait pas, pour autant, fonder le copropriétaire à demander à avoir accès à des documents sortant du cadre de ce contrôle. La présence d’un tiers, rémunéré par le copropriétaire demandeur, devrait demeurer possible.
À l’heure où la dématérialisation est vivement encouragée par les textes, on peut regretter que le décret n’ait pas créé de lien exprès entre la mise à disposition des pièces et les documents disponibles sur l’extranet de certaines copropriétés, afin d’alléger la tâche du syndic et de faciliter le contrôle des copropriétaires.