[N° 611] - Le compte bancaire séparé après la loi ALUR

par Nathalie FIGUIERE-BROCARD
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La loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié le cadre de l’obligation en instituant un régime général et des régimes dérogatoires.

Depuis la loi dite SRU du 13 décembre 2000, le syndic avait l’obligation d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat sur lequel étaient versées toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat. À défaut, son mandat était nul « de plein droit » trois mois après sa désignation, mais les actes qu’il avait passés avec des tiers de bonne foi demeuraient valables (art. 18, al. 7, de la loi du 10 juillet 1965 et 29-1 du décret du 17 mars 1967).
En présence d’un syndic professionnel (ou soumis à une réglementation relative au maniement des fonds du syndicat), l’assemblée générale pouvait cependant dispenser le syndic d’ouvrir un compte séparé, pendant une certaine durée (art. 29-1 du décret de 1967), à la majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25, avec possibilité de recours à l’art. 25-1 de la loi de 1965).
La loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié le cadre de l’obligation en instituant un régime général et des régimes dérogatoires.

Le régime général ALUR
Aux termes des nouvelles dispositions, tout syndic a l’obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé sur lequel sont versées toutes les sommes ou valeurs reçues au nom du syndicat (art. 55-I-3° f de la loi ALUR modifiant l’article 18 de la loi de 1965).
L’initiative du choix de l’établissement bancaire revient au syndic, mais l’assemblée générale peut en décider autrement, à la seule majorité de l’article 25. Cette question pourra donc être sujette à débat lors de la réunion de l’assemblée, si elle a bien été inscrite à l’ordre du jour.
Pour mettre fin à des pratiques économiquement périlleuses, il est interdit au compte séparé dont le syndicat sera le titulaire, de faire l’objet de convention de fusion, ni de compensation avec tout autre compte (voir pour une illustration : CA Paris, ch. 4-2, 27 nov. 2013, n° 12/06446).
En écho avec le décret de 1967 (art. 35-1), il est précisé que les éventuels intérêts produits par le compte séparé sont définitivement acquis au syndicat.
Le non respect de ces obligations entraîne les mêmes conséquences qu’auparavant : nullité de plein droit du mandat trois mois après sa désignation, mais validité des actes qui auraient été passés par le syndic avec des tiers de bonne foi.
Afin de renforcer la transparence à l’égard des copropriétaires, le syndic doit, par ailleurs, mettre à disposition du conseil syndical une copie des relevés périodiques (on suppose « bancaires ») du compte, dès réception de ceux-ci. Toutefois, la position de cette nouvelle contrainte dans le corps de l’article 18 conduit à s’interroger sur les conséquences du défaut de respect de cette obligation. La « mise à disposition » sera sans doute, quant à elle, l’objet d’interprétations variées.

Les régimes dérogatoires d’ALUR
La faculté de dispense est désormais réservée aux syndicats qui comportent au plus quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, qui ont un syndic professionnel (ou soumis à une réglementation relative au maniement des fonds du syndicat ; art. 55-I-3° f de la loi Alur).
Dans cette hypothèse, « le compte unique fait apparaître dans les écritures de l’établissement bancaire un sous-compte individualisant comptablement les versements et prélèvements afférents au syndicat » (rien n’est précisé sur le choix de l’établissement).
Le syndic doit, comme en cas de compte séparé, effectuer sans délai les versements des sommes et valeurs appartenant au syndicat. Il est ajouté qu’il doit y reporter les dépenses effectuées pour le compte du syndicat.
Obligation est faite au syndic de « transmettre » au président du conseil syndical une copie des relevés périodiques bancaires du sous-compte, dès réception de ceux-ci. Il y a donc une différence de destinataire de l’information par rapport aux relevés du compte séparé. La notion de « transmission » devra-t-elle ici être interprétée différemment de celle de « mise à disposition » applicable au compte séparé ?
Le syndic ne peut pas proposer de rémunération différenciée au syndicat en cas de dispense. Ceci met fin à une pratique qui avait fait l’objet de critiques. Aucune précision n’est spécifiée quant aux sanctions en cas de non respect de ces règles de gestion. Il est possible de présumer que les conséquences seront identiques à celles organisées pour le régime général.
La loi ALUR a créé, par ailleurs, une faculté pour les copropriétaires dans les immeubles à destination totale autre que d’habitation (par exemple, lots de bureaux ou lots de commerces), lorsqu’un syndicat est composé exclusivement de personnes morales, de définir avec le syndic, dans le cadre de son contrat, les modalités de fonctionnement du compte bancaire unique ou séparé et les modalités de perception des fonds, à la majorité de l’article 25 (nouvel art. 18-1-AA de la loi de 1965 ; cf. IRC nov. 2014, n° 603, p. 63).

L’entrée en vigueur de l’article 18 modifié par ALUR
Les nouvelles dispositions de l’article 18 entrent en vigueur « dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi » (JO du 26 mars 2014) et le dispositif « s’applique aux mandats en cours à compter de leur renouvellement » (art. 55-III de la loi ALUR).
Le choix du terme « renouvellement » et non de celui de « désignation » (cf. art. 28, al. 3, du décret de 1967) conduit à s’interroger sur la règle à suivre en fonction des cas qui se présenteront. Par ailleurs, est-ce à dire que les syndics dont les mandats sont en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi devront automatiquement appliquer le compte séparé ?

Le compte séparé du fonds de travaux
Les syndicats de copropriétaires des immeubles à destination totale ou partielle d’habitation devront à compter du 1er janvier 2017 constituer un fonds de travaux (futur art. 14-2 de la loi de 1965, créé par la loi ALUR) dont les cotisations devront être versées par le syndic sur un autre compte séparé, rémunéré. Aucune dérogation au compte séparé n’est organisée.
Le législateur a créé de nouvelles règles de gestion pour ce compte, à l’instar de celles instaurées pour le compte bancaire séparé et le compte unique (art. 58-I-4° de la loi ALUR).