(Assemblée nationale - Réponse publiée au JO le 03/05/2022, p. 3001)
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 682 d'octobre 2022
L’attention de la ministre de l’économie, des finances et de la relance est appelée sur, semble-t-il, une aporie juridique concernant les frais d’établissement de l’état daté lors de vente d’un lot de copropriété.
En effet, le décret n° 2020-153 du 21 février 2020 a fixé un tarif unique concernant l’établissement de l’état daté en cas de vente d’un lot de copropriété. Ce texte limite ainsi «les honoraires et frais perçus par le syndic au titre des prestations qu’il doit effectuer pour l’établissement de l’état daté à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot, ou de plusieurs lots objets de la même mutation» à une somme forfaire de 380 euros.
Cette disposition étonne : la profession de syndic répond à un principe cardinal qui est l’absence de plafonnement du montant de ses honoraires. Cette évolution ne s’inscrit pas dans la tradition de la matière, qui est celle de la liberté. Le cadre fixé, par le gouvernement et législateur se limite à préciser par exemple les prestations devant être forfaitisées ou incluses dans le forfait de la gestion courante du syndic.
En aucun cas il ne s’agit d’établir un tarif unique ou de fixer un taux particulier.
Ce décret sur cette question alerte : il semble contraire à l’esprit constitutionnel qui est soucieux de la liberté des prix et de la concurrence, d’une part et, d’autre part témoigne d’une méconnaissance de la profession de syndic.
Aussi sa question est double. Elle souhaite savoir si cette disposition n’est pas contraire au principe constitutionnel de liberté des prix et de la concurrence.
De surcroît, il convient pour le gouvernement de préciser s’il compte mettre fin à cette disposition contraire à l’esprit de la profession.
L’état daté, qui est un document obligatoirement remis au notaire lors de la vente d’un bien immobilier en copropriété, est établi par le syndic et comporte notamment les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat pour chaque lot objet de la mutation et les sommes pouvant rester dues par le syndicat des copropriétaires au copropriétaire vendeur. La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite loi ALUR (ou accès au logement et urbanisme rénové) a prévu de plafonner, par décret, les honoraires et frais des syndics de copropriété relatifs à l’établissement d’un état daté. Cette disposition a été votée par le Parlement en vue de répondre au mécontentement exprimé par de nombreux copropriétaires cédants auprès des associations de consommateurs quant aux tarifs pratiqués par ces professionnels, qui étaient jugés excessifs au regard du temps nécessaire à la réalisation de cette prestation. Cette préoccupation était renforcée par l’obligation dans laquelle se trouvent les copropriétaires concernés de faire appel au syndic en place pour obtenir un état daté, ce qui les rend captifs d’un tel prestataire. L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 a précisé que le montant plafond fixé par décret vaut pour toute mutation à titre onéreux, que celle-ci comporte un ou plusieurs lots. C’est dans ce cadre que le pouvoir réglementaire, après avis de l’Autorité de la concurrence, a adopté le décret n° 2020-153 du 21 février 2020 afin de plafonner le montant des honoraires et frais des syndics pour l’établissement d’un état daté à 380 euros TTC.
L’évaluation de ce montant plafond est le résultat, d’une part, d’une analyse économique approfondie, reposant sur un relevé des prix pratiqués par les syndics dans plusieurs départements et sur l’observation du déroulement de l’établissement de l’état daté, réalisés par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et, d’autre part, d’une concertation avec les parties prenantes (organisations professionnelles et associations de consommateurs) qui a permis de recueillir leurs points de vue.
Si la liberté d’entreprendre, dont la liberté des prix et de la concurrence peut découler, constitue un principe à valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a précisé qu’elle n’était ni générale ni absolue et qu’elle ne pouvait exister que dans le cadre d’une réglementation fixée par la loi. En particulier, les limites qui peuvent être apportées à la liberté d’entreprendre par le législateur doivent être justifiées par des exigences constitutionnelles ou des motifs d’intérêt général.
C’est précisément ce dernier objectif que poursuivent les dispositions législatives et réglementaires précitées. En effet, la fixation d’un montant plafond à 380 euros TTC vise à protéger les consommateurs contre les pratiques tarifaires abusives et à préserver ainsi leur pouvoir d’achat, sans pour autant remettre en cause le modèle économique des syndics, dont il convient de rappeler qu’il dépend en grande partie des prestations incluses dans le forfait prévu par le contrat-type, et non des prestations annexes réalisées ponctuellement à titre individuel pour les copropriétaires, telles que l’état daté.
En outre, la concurrence entre syndics peut jouer en-dessous de ce montant plafond.