Copropriété : Conseil syndical Conseillers syndicaux Responsabilités civiles

par YS
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(Sénat - réponse publiée au JO Sénat le 01/10/2020 page : 4459)

article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 664 de décembre 2020

Yves Détraigne souhaite appeler l’attention du garde des Sceaux, ministre de la justice, sur la question de l’étendue des missions du conseil syndical. Aux termes de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, ce dernier peut donner son avis au syndic ou au syndicat sur toutes questions concernant le syndicat, pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même.

Si la jurisprudence est peu abondante sur la nature des avis susceptibles d’être ainsi émis, il semble que ceux-ci soient limités aux domaines qui touchent à l’administration, à la gestion et au budget de la copropriété. Il lui est donc demandé si en application de l’article 21 susmentionné, le conseil syndical est habilité à donner à l’assemblée générale des copropriétaires un avis portant sur le droit de la copropriété assorti d’une demande de vote dans un sens déterminé sur une résolution présentée par un copropriétaire.

Dans le cas contraire et dans l’hypothèse où cet avis juridique s’avérerait infondé et aurait influencé les votes des copropriétaires, il est demandé si la responsabilité civile individuelle des conseillers syndicaux pourrait être engagée, par le copropriétaire concerné, sur le fondement de l’article 1992 du Code civil, soit dans le cadre d’un dol s’il était avéré que le conseil syndical a volontairement cherché à tromper l’assemblée générale par une analyse juridique erronée, soit dans le cadre d’une faute grave.

En vertu des dispositions de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, il incombe au conseil syndical d’assister le syndic de la copropriété et d’en contrôler la gestion. Outre ces obligations d’assistance et de contrôle, il donne son avis sur toutes questions qui concernent le syndicat, pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même. Afin d’exécuter sa mission de conseil quant à l’administration, la gestion et le budget de la copropriété, le conseil syndical est nécessairement appelé à s’interroger sur la correcte application de la loi, en particulier celle du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis et à émettre des avis sur des questions juridiques relatives au syndicat des copropriétaires. A cet égard, les membres du conseil syndical, comme tous les copropriétaires, peuvent se prononcer sur la conformité juridique des décisions de l’assemblée générale. L’article 17 du décret du 17 mars 1967 relatif à l’établissement du procès-verbal d’assemblée générale prévoit d’ailleurs que le procès-verbal d’assemblée générale doit mentionner ce type de réserves lorsqu’elles portent sur la régularité des décisions prises. S’agissant, pour les conseillers syndicaux, d’une mission de nature contractuelle relevant du droit du mandat, leur responsabilité sur le fondement ad hoc de l’article 1992 ne saurait être invoquée que par leur cocontractant, à savoir le syndicat des copropriétaires. Tout tiers à un contrat peut cependant invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui est préjudiciable (Ass. Plén. 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255 ; jugé en droit de la copropriété, s’agissant de l’action d’un copropriétaire tiers à un contrat de syndic : 3e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-11.449).

A cet égard, l’article 27 du décret du 17 mars 1967 précise que les fonctions de conseiller syndical ne donnent pas lieu à rémunération. Or, le caractère gratuit d’un mandat a une incidence sur les conditions d’appréciation de la faute du mandataire. Le second alinéa de l’article 1992 du Code civil limite l’engagement de sa responsabilité aux seuls manquements contractuels qui revêtent une certaine gravité. À l’aune de ces dispositions, la jurisprudence cantonne fortement les possibilités d’engagement de la responsabilité des mandataires bénévoles tels que les conseillers syndicaux. Dans un arrêt du 29 novembre 2018, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé que l’engagement de la responsabilité contractuelle du conseiller syndical par un copropriétaire tiers au mandat s’exerce dans les limites prévues par le second alinéa de l’article 1992 précité et requiert donc l’existence d’une faute suffisamment grave (Civ. 3e, 29 nov. 2018, pourvoi n° 17-27.766). Dès lors, des juges du fond saisis de litiges opposants un copropriétaire à un membre du conseil syndical ont pu indiquer que le dépôt de notes indiquant le sens du vote des membres du conseil dans les boîtes aux lettres de la copropriété avant l’assemblée ne constituait pas un abus d’autorité fautif, et que, quoiqu’il appartienne au conseil syndical de donner son avis à l’assemblée générale en vertu de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires réunis en assemblée générale restent libres de voter comme ils l’entendent (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 20 sept. 2017, n° 15/10113). Ainsi, sur les questions juridiques comme sur tout autre point intéressant le syndicat, une obligation de résultat quant aux conseils et avis donnés par les conseillers syndicaux, mandataires non professionnels et non rémunérés, ne saurait être contractée vis-à-vis du syndicat des copropriétaires ni invoquée par un tiers au mandat. Elle ne saurait non plus annihiler la responsabilité et la souveraineté de l’assemblée générale dans sa prise de décision.

Si la jurisprudence semble ménager l’hypothèse d’une responsabilité en cas d’avis sciemment erroné d’un conseiller syndical, donné dans le but de nuire à un copropriétaire, il appartiendrait également au copropriétaire demandeur de démontrer que la décision prise après avis du conseil syndical s’est avérée inutile ou injustifiée et que le préjudice qu’il invoque ne correspond pas à celui résultant des conséquences des décisions souveraines de l’assemblée (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 juin 2017, n° 15/09932). Enfin, dans le cadre de la liberté des débats en assemblée générale, aucune règle de nature légale ou réglementaire n’interdit par principe à un membre du syndicat, qu’il soit membre du conseil syndical ou non, de suggérer aux copropriétaires de voter dans un sens déterminé. Il en va de l’essence même de la prise de décision en assemblée, qui permet au copropriétaire de revoir sa position en connaissance des avis de chacun et particulièrement de celui du conseil syndical.