(Assemblée nationale - réponse publiée au JO le 16/10/2012 page : 5725)
Question : Gérard Charasse interroge le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, sur les conditions de fond à réunir pour qu’une copropriété privée recevant par convention en pleine propriété des travaux effectués sur son fonds par une collectivité locale au motif que l’espace concerné par les travaux, en l’espèce une pièce de voirie, est déclaré d’intérêt public en ce qu’il débouche de part et d’autre sur des voies publiques dont ladite collectivité a par l’ailleurs l’entretien, ne voit cet apport substantiel à son actif comme susceptible d’être taxé en ce qu’il pourrait constituer un enrichissement sans cause.
Réponse : Il y a lieu de rappeler que lorsqu’une voie privée est ouverte au public, la commune peut participer à l’entretien de cette voie, ainsi que le juge le Conseil d’État (17 octobre 1980, Mme Braesh, mentionné aux tables du recueil Lebon). La théorie de l’enrichissement sans cause répond à la nécessité de rétablir l’équilibre entre deux patrimoines lorsque l’un s’est enrichi et l’autre appauvri sans qu’un titre juridique ne justifie cet état de fait. Par un arrêt du 15 juin 1892, la cour de cassation a consacré l’existence d’une voie de droit spécifique, l’action “de in rem verso“, reposant sur le principe «que nul ne peut s’enrichir au détriment d’autrui». Le juge administratif l’applique également (Conseil d’État, 26 juillet 1916, commune de Gaud). En vertu de la jurisprudence, plusieurs conditions doivent être réunies. Le défendeur à l’action doit être enrichi ; le demandeur doit avoir été appauvri corrélativement ; l’enrichissement ne doit reposer sur aucune cause juridique. Au cas d’espèce, l’éventuel enrichissement sans cause de la copropriété privée recevant des travaux effectués sur son fonds par une collectivité locale, pourrait résulter du fait que la voirie aurait été rénovée sans qu’elle en supporte les frais. L’appauvrissement de la collectivité proviendrait de ce qu’elle aurait réalisé les travaux à ses frais. Le lien entre cet enrichissement et cet appauvrissement paraît établi. Mais la condition tenant à l’absence de cause juridique ne paraît pas remplie : les travaux envisagés seraient prévus par une convention entre la copropriété privée et la collectivité. La Cour de cassation a jugé que n’est pas sans cause l’enrichissement qui trouve sa justification dans un acte juridique, spécialement lorsqu’il résulte de l’exécution d’un contrat légalement formé entre la personne appauvrie et la personne bénéficiaire de l’enrichissement (cass. civ. 21 février 1944 : DA 1944, p. 58). Ce n’est que dans l’hypothèse où le contrat n’est pas valable que disparaît la cause légitime d’enrichissement (cass. 1e civ., 14 janvier 2003 : bull. civ. 2003, I, n° 11).