(Assemblée nationale - réponse publiée au JO le 08/05/2012 page : 3584)
Question : Patrick Beaudouin attire l’attention de M. le ministre en charge du logement, sur le recouvrement des charges d’immeubles par les syndics. Il s’avère que des cabinets spécialisés, comme la société R, proposent désormais à des syndics d’immeubles une méthodologie de gestion du traitement des impayés susceptible «de simplifier la tâche du syndic» et «d’accélérer l’encaissement de charges impayées». Pour ce faire, la société R demande aux syndics le vote d’une résolution lors des assemblées générales lui permettant d’être en mesure de se substituer aux syndics. (…)
Il est à noter le détail de la proposition de résolution rédigée par la société R et qui est soumise aux assemblées générales par les syndics : «Point 8 - Dès que le titre exécutoire est devenu définitif, la société R s’engage à acquérir la créance du syndicat des copropriétaires». Le point 9 indique : «afin de permettre à la société R de régler au syndicat le montant de la créance en principal et d’en être couverte, la créance lui est cédée par un contrat de cession signé par le syndic au nom du syndicat, et notifié, à la diligence de la société R, au copropriétaire défaillant. La décision de l’assemblée générale des copropriétaires approuvant la présente proposition vaut contrat de cession». Si le paiement des charges de copropriété est une obligation impérieuse, et que les mauvais payeurs chroniques qui fragilisent certaines résidences doivent être sanctionnés, il est légitime de s’interroger sur ce type de contrat dans lequel aucune indication n’est mentionnée quant au coût réel, pour le copropriétaire défaillant, de l’intervention de la société R, pas plus que n’est précisé le montant minimal de charges impayées qui entraînent la saisine de société R (200, 500, 1 000 € ?). Il lui demande, en conséquence, dans quelle mesure ces cabinets spécialisées, comme la société R, qui se substituent aux syndics sont véritablement fondés à le faire alors même que les missions des syndics définies par la loi précisent que ceux-ci doivent administrer les immeubles et pourvoir à leur conservation, leur garde et leur entretien. De la même façon, il aimerait connaître son avis sur la possibilité de cession de créances et de prises d’hypothèques par un cabinet de recouvrement en lieu et place des syndicats de copropriétaires via une résolution générale antérieurement votée en assemblée générale et non par le biais d’une résolution et d’un vote spécifiques relatifs aux lots des copropriétaires. (…)
Réponse : Le syndic désigné par l’assemblée générale des copropriétaires est titulaire d’un contrat de mandat, aux termes duquel il représente le syndicat des copropriétaires et exerce les missions prévues par les textes au nom et pour le compte de ce syndicat. Le mandat confié au syndic repose donc sur un rapport de confiance, ce qui lui confère une forte dimension personnelle. C’est pourquoi l’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 pose le principe selon lequel «seul responsable de sa mission, le syndic ne peut se faire substituer». Ce même article rappelle que seule l’assemblée générale peut, dans les conditions prévues à l’article 25 a), déléguer certains de ses pouvoirs. Si l’interdiction pour le syndic de se faire substituer est tempérée par l’article 30 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi de 1965 précitée, qui précise que le syndic peut se faire représenter par ses préposés, cette possibilité ne concerne toutefois que les actes de gestion purement matériels, n’impliquant aucune délégation de pouvoir. En dehors d’un tel cas, le syndic ne peut donc «sous-traiter» tout ou partie de sa mission. En matière de recouvrement de sommes restées impayées par les copropriétaires, l’article 18 de la loi de 1965 précitée prévoit que la mission du syndic comprend l’administration de l’immeuble, sa conservation, sa garde et son entretien. A ce titre, le syndic doit notamment procéder aux appels de fonds afférents au paiement des charges, ainsi qu’au recouvrement des sommes restées impayées par les copropriétaires, étant rappelé qu’en application de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi de 1965 précitée, le syndic peut engager les actions en justice nécessaires au recouvrement sans autorisation préalable de l’assemblée générale. Le recouvrement des charges impayées fait donc partie des pouvoirs propres reconnus au syndic pour l’exercice de sa mission. Dans ces conditions, comme la mise en œuvre des actions et procédures nécessaires au recouvrement des sommes restées impayées par les copropriétaires ne constitue pas une prérogative de l’assemblée générale, susceptible de délégation, mais un pouvoir propre du syndic, l’assemblée générale ne peut légalement déléguer une telle prérogative. De plus, en application de l’interdiction de se faire substituer, le syndic ne peut déléguer ce pouvoir à un tiers et il doit mettre en œuvre personnellement les procédures et actions nécessaires au recouvrement.