Le droit de la procédure civile a été profondément réformé par la loi du 23 mars 2019. Cette réforme a notamment élargi le champ d’application du recours préalable obligatoire afin de désengorger la justice par une tentative d’évitement des procès.
L’idée n’est pas nouvelle, loin de là, mais elle a fait l’objet d’une mise en œuvre inédite par les mesures d’application révélées par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019. Les dispositions qu’il contient fixent, en effet, les cas dans lesquels le demandeur devra obligatoirement justifier, avant de saisir la juridiction, d’une tentative de conciliation, de médiation ou de convention de procédure participative. L’article 54 nouveau du Code procédure civile (CPC) exige ainsi, à peine de nullité, que la demande initiale mentionne, lorsqu’elle doit être précédée de l’une de ces tentatives, «les diligences entreprises en vue d’une résolution du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative». A défaut, ce vice de fond peut être relevé d’office par le juge et sanctionné par l’irrecevabilité de la demande.
Cette obligation de tentative de conciliation (art. 820 et s. CPC) de médiation (art. 21, L. n° 95-125 du 8 févr. 1995) ou de procédure participative (1542 et s. CPC) doit notamment, selon l’article 750-1 du CPC, être exécutée avant toute demande en justice, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros.
Le syndicat des copropriétaires sera ainsi obligé d’engager ce recours préalable avant toute procédure judiciaire de recouvrement de charges relative à une somme moindre.
Toutefois, une exception prévue par l’article 750-1 du CPC pourrait intéresser le syndicat dans certains cas : «un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative». On peut en ce sens imaginer que la réalisation de travaux urgents et l’impécuniosité manifeste du syndicat pourraient caractériser un tel motif et permettre de déroger à l’obligation de concilier. Les hypothèses sont néanmoins limitées et pourraient être sources d’âpres discussions pouvant elles-mêmes rallonger la durée de la procédure…
C’est ainsi que la règle nouvelle nous paraît être contraire à la finalité de la procédure accélérée au fonds («PAF»). Il pourrait néanmoins être avancé, avec peu d’espoir mais beaucoup de volonté, que l’article 19-2 al. 2 de la loi de 1965 déroge à l’obligation de conciliation pour l’exercice de la «PAF» dont le périmètre a récemment été étendu (ord. du 30 oct. 2019) : la seule condition requise pour la mise en œuvre de cette procédure spéciale est l’infructuosité pendant plus de trente jours de la mise en demeure adressée au copropriétaire défaillant. Passé ce délai, le juge condamne le débiteur après avoir constaté, limitativement : l’approbation du budget, des travaux et des comptes ainsi que la défaillance du copropriétaire. Specialia generalibus derogant : l’obligation de concilier est écartée.
À défaut pour cet argument d’emporter la conviction des magistrats, la nouvelle obligation procédurale contrariera la mise en œuvre des procédures accélérées et, qui sait, génèrera peut-être un regain d’intérêt pour la procédure en injonction de payer qui s’engage par la remise d’une requête : le 3° de l’article 750-1 du CPC dispense justement de l’obligation de recours préalable lorsqu’une décision doit être rendue non contradictoirement … !
Pierre-Edouard Lagraulet,
Docteur en droit