[N°645] - Loïc Cantin : «Un conseil syndical disposant de pouvoirs renforcés dans les grandes copropriétés»

par Rédaction Edilaix
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Administrateur de biens en Loire-Atlantique, Loïc Cantin est professeur à l’ICH-CNAM et chargé de cours à la faculté de droit de Nantes (master 2 droit des opérations immobilières). Il est élu à la présidence de la FNAIM de Loire-Atlantique en 2005 et occupe la fonction de président adjoint de la FNAIM depuis le 1er Janvier 2018.
C’est cette double qualité à la fois de praticien et d’enseignant, associée à son implication au sein la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC), d’expert près la cour d’appel de Rennes, qui ont amené la rédaction à recueillir ces suggestions en cette période de rédaction de la première ordonnance de la loi ELAN.

Quels sont les reproches majeurs que l’on peut formuler à l’encontre du statut actuel de la copropriété ?
«La loi du 10 juillet 1965, réglementant le statut de la copropriété, a largement inspiré d’autres pays et fait preuve de stabilité pendant plus d’un demi-siècle.
Cette loi d’importance a permis de développer le principe d’une démocratie de gestion tant dans sa forme que sur le fond, avec le risque récurrent qu’une hyper-réglementation ne vienne perturber et casser la dynamique de ces cinquante dernières années.
La loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a précédemment modifié de façon notable et parfois alourdi les dispositions existantes en imposant de nouvelles obligations aux règles de fonctionnement des immeubles en copropriété. La loi ELAN du 23 novembre 2018 (Evolution du Logement de l’Aménagement et du Numérique) prévoit de modifier les règles de gouvernance, suivi d’une codification. Au gré de chaque alternance politique, ce texte d’ampleur a connu des modifications et transformations indispensables aux évolutions sociétales souvent justifiées et parfois contestables.
La Commission relative à la copropriété, aujourd’hui supprimée, a longtemps joué son rôle de régulateur et de modérateur permettant au législateur d’appréhender les évolutions et les modifications qui s’avéraient nécessaires. Ces adaptations ont contribué à accompagner la croissance de ce parc qui recensait 805 000 logements en copropriété en 1965, culminant à 9 961 212 en 2015, issus de 740 803 copropriétés.
Il ne peut être fait de reproches majeurs à ce dispositif, ayant donné satisfaction aux copropriétaires, leur ayant permis d’appréhender et d’adopter les décisions indispensables à l’entretien et à la gestion de leur patrimoine. Si le statut de la copropriété doit faire l’objet d’adaptations prenant en compte un nouvel environnement numérique, prenons garde de ne pas remettre en cause un statut protecteur qui a fait ses preuves.»

Selon vous, quelles seraient les adaptations de la loi de 1965 permettant d’améliorer la gouvernance des copropriétés ?
«Sur un plan général, on désigne par gouvernance, la mise en œuvre d’un processus décisionnel, se conformant à un environnement réglementaire, permettant une coordination multi-parties, chacun détenant un droit de représentation, en vue de décisions consensuelles et concertées. Se référant à cette définition, le statut de la copropriété a donc été protecteur de la mise en œuvre d’un processus décisionnel doté d’une coordination multipartite (conseil syndical, syndic, copropriétaires) garantissant la représentation de chaque copropriétaire dans le cadre d’un environnement réglementaire. Dans la très grande majorité des cas, le statut de la copropriété a répondu à cette exigence, à l’exception des copropriétés représentées par deux copropriétaires ou les très grandes copropriétés, qui doivent pouvoir disposer d’une plus grande souplesse et d’une prise de décision facilitée.
Des adaptations doivent être apportées aux ensembles composés de deux copropriétaires afin d’éviter les situations de blocage résultant de la réduction des voix du copropriétaire majoritaire pouvant faire obstacle à toute décision lors de mésentente.

Des difficultés sont aussi rencontrées dans la gestion des ensembles immobiliers de grande importance de plus de 200 lots principaux. L’administration de ces grands ensembles doit disposer de pouvoirs plus étendus sous le couvert d’une décision d’assemblée générale.
Un conseil syndical renforcé disposant de pouvoirs élargis serait de nature à palier les difficultés rencontrées sans remettre en cause la gouvernance existante ou à en substituer une nouvelle.
La gouvernance de la copropriété doit pouvoir disposer d’un contrat adapté aux exigences nouvelles de gestion. Un contrat “socle” parait préférable au contrat type de syndic “tout sauf” existant aujourd’hui, privant l’assemblée générale de toute adaptation, modification ou dérogation. Ce contrat pourrait être le pivot d’une offre de services modulables, afin de répondre à la demande des copropriétaires dans un contexte particulier de rénovation énergétique ou de services nouveaux et ne pas l’enfermer dans un cadre restreint.

Certains auteurs seraient demandeurs d’une adaptation du droit de la copropriété aux petites copropriétés, sous prétexte que celles-ci ne seraient pas gérées ! Des propositions ont été faites pour aménager les petites copropriétés estimées selon ces mêmes auteurs, entre 10 et 15 lots en leur accordant un traitement particulier, donc dérogatoire.
N’oublions pas que près de 70 % des copropriétés (en nombre) en France sont d’une taille inférieure à 10 lots, gérées par nombre de syndics sur tout le territoire national assurant cette gestion au quotidien, garant de l’équilibre économique indispensable de ce secteur.
Si un seuil devait être adopté concernant les petites copropriétés, un traitement dérogatoire pourrait être envisagée pour les copropriétés de moins de 5 lots, permettant de disposer d’une souplesse de gestion et de décision.»

Dans quelle mesure des modifications apportées aux prérogatives ou aux missions des organes de la copropriété (conseil syndical et syndic notamment) engendreraient un bouleversement de l’équilibre des pouvoirs ?
«Le tandem conseil syndical-syndic a toujours fait ses preuves et contribué à assurer une prise de décision et le suivi d’une bonne gestion indispensable aux immeubles en copropriété. Ce binôme permet d’assurer à l’assemblée générale un contrôle et une sécurité en amont propice à une prise de décision rapide, sereine et suffisante. Faut-il remettre en cause ces organes qui ont fait leur preuve et satisfont les copropriétaires dans leur ensemble ? Les majorités requises et nécessaires à la prise de décision ne sont-elles pas le garant et le l’expression du consensus le plus large ?
Certes, l’urgence peut nécessiter parfois une prise de décision plus rapide qui doit être facilitée mais qui ne peut relever que d’une décision de l’assemblée générale. Doter le conseil syndical de pouvoirs élargis dans certains cas précis serait suffisant à l’adoption des décisions urgentes en cours d’exercice permettant de s’exonérer de la convocation d’une assemblée générale notamment, en cas de travaux à entreprendre.
Substituer une nouvelle instance, un autre mode de gouvernance aux actuels conseils syndicaux, n’apporterait aucune novation ou amélioration à un organe de gestion qui a fait ses preuves pendant plus de cinquante ans, ayant mobilisé et passionné tant de bénévoles au service de leur copropriété, et qui a été le creuset de l’expression la plus démocratique de la vie en collectivité. L’équilibre des pouvoirs résulte bien de ce binôme syndic-conseil syndical, relais indispensable au bon fonctionnement de la vie en copropriété.»
 
Peut-on imaginer que pour certains immeubles, le régime de la copropriété soit écarté purement et simplement au profit d’un autre mode de gestion ?
«Le statut de la copropriété est un statut équitable, équilibré et harmonieux, permettant d’assurer la pérennité et le maintien de la valorisation du patrimoine bâti. Rien ne motive d’écarter l’application du statut de la copropriété au profit d’un autre mode de gestion, même pour certaines catégories d’immeuble. Dans certains cas particuliers, des adaptations semblent nécessaires pour favoriser ou permettre la prise de décision la plus rapide lorsque l’urgence l’impose, pouvant être facultatives et sur décision de l’assemblée générale.
Un conseil syndical disposant de pouvoirs renforcés dans les grandes copropriétés contribuerait à la prise de décision pouvant s’imposer par l’urgence de certaines situations.
Il n’y pas lieu d’opérer de distinctions entre les petites, les moyennes et les grandes copropriétés en créant des statuts différents conduisant à des modes de gestion différenciés.
La loi du 10 Juillet 1965 doit s’appliquer à toutes les copropriétés, quelles que soient leur taille ou leur destination. À l’heure où les pouvoirs publics se sont fixés pour objectif l’écriture d’un Code de la copropriété, prenons garde que celui-ci ne se transforme en Code des copropriétés .... et ne vienne perturber un équilibre et une stabilité qui ont fait leurs preuves pendant plus de cinquante ans !»

 

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