Copropriété : Valeur vénale et valeur relative

par Denis Brachet, Géomètre-expert, Expert judiciaire
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CE MOIS-CI DANS LA CHRONIQUE : A CHACUN SA QUOTE-PART !

Les charges d’entretien, d’administration et de conservation des parties communes sont réparties entre tous les lots proportionnellement à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l’ensemble des valeurs desdites parties telles qu’elles résultent lors de l’établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 699 de juin 2024

Les trois critères de la valeur relative sont intangibles et représentatifs des qualités intrinsèques de chaque lot formant la copropriété. La consistance, reflète la qualité de la construction : nature des ouvrages, volumes et disposition des pièces… La situation permet de distinguer la qualité des lots selon leur situation dans l’immeuble : exposition, hauteur et qualité des vues, … La superficie, qui est le seul élément réellement objectif, permet de distinguer la qualité des lots en fonction de leur taille. La loi proscrit l’utilisation qui est faite du lot. Ainsi, quel que soit son usage, il sera neutre dans la détermination de la valeur relative. Pour cette raison le simple changement d’usage d’un lot ne donne pas lieu à la modification des quotes-parts des charges. Mais il existe une autre notion qui, bien que proche en apparence, diffère totalement de la valeur relative. Il s’agit de la valeur vénale. 

Il n’existe pas de définition légale stricto sensu de la valeur vénale. Elle est surtout définie par la jurisprudence et par la pratique. L’administration fiscale a fait sienne les définitions prétoriennes : «la valeur vénale correspond au prix qui pourrait être obtenu du bien par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l’état dans lequel il se trouve avant la mutation». La pratique a vite ressenti la nécessité de disposer d’une définition harmonisée. Ainsi, la valeur vénale dans son acceptation la plus large correspond à «la somme d’argent estimée contre laquelle des biens et droits immobiliers seraient échangés à la date de l’évaluation entre un acquéreur consentant et un vendeur consentant, dans une transaction équilibrée, après une commercialisation adéquate, et où les parties ont, l’une et l’autre, agi en toute connaissance, prudemment et sans pression.» Dès lors, 

- il s’agit d’une somme estimée. La valeur vénale correspond à un prix probable qui peut être différent de celui sur lequel les parties se seront entendues ;

- elle suppose que la transaction résulte d’une négociation libre et équilibrée entre des parties indépendantes l’une de l’autre qui n’ont pas de relation particulière ;

- les parties sont bien informées sur le bien, son état, son usage et de l’état du marché ;

- elle est déterminée à une date donnée, en référence à l’état du marché à cette date.

Les critères de la valeur vénale sont donc totalement étrangers à ceux de la valeur relative. Là où le législateur a voulu fixer la valeur relative d’un lot en imposant des critères durables uniquement rattachés à l’immeuble, sa valeur vénale sera volatile et dépendante, pour un usage donné, de l’état d’un marché à un moment précis.

Il n’existe donc pas de liens entre valeur relative et valeur vénale et il n’est pas rare de constater que répondant à une demande forte, des biens tels les emplacements de stationnement ou les chambres de service présentent des valeurs vénales élevées mais des valeurs relatives faibles. 

Denis Brachet / ©Sebastien Dolidon / EdilaixDenis BrachetGéomètre-expert, expert judiciaire