Copropriété : La refonte des charges

par Denis Brachet, Géomètre-expert, président de la CNEC
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Ce mois-ci dans la chronique : A chacun sa quote-part !

La refonte des charges de l’immeuble est perçue par les copropriétaires comme le moyen de rectifier une répartition inéquitable. Cette volonté légitime de disposer d’une répartition des charges conforme à l’état de l’immeuble, établie selon des critères connus, se heurte à un processus de décision très contraint.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 668 de mai 2021

La loi du 10 juillet 1965 prévoit quelques cas pour lesquels une modification des charges ponctuelle sera possible : en cas de division d’un lot ; de création ou annulation d’un lot ; de changement d’usage d’un lot ou encore de travaux d’amélioration. La refonte globale quant à elle n’est possible que par décision unanime des copropriétaires ou par voie judiciaire.

La modification judiciaire des charges peut être individuelle ou collective. La première permet la correction d’une erreur de calcul dans le quantum des charges affecté à un lot. C’est une procédure encadrée par des délais courts qui la rendent souvent inopérante. La seconde, qui concerne l’ensemble des lots, est opérée au visa de l’article 43 de la loi de 1965 qui permet au juge d’annuler toute clause du règlement de copropriété contraire aux dispositions impératives de la loi.

Techniquement, la refonte des charges est une opération qui nécessite des interventions lourdes. Faute d’une documentation exploitable, quand elle existe, le mesurage complet de l’immeuble, est indispensable. Ces opérations sont contraignantes, mais permettent au syndicat des copropriétaires de disposer de plans de qualité numérique qui perdureront. L’établissement des plans de l’immeuble doit donc être vu comme un investissement et non comme un coût induit par la refonte.

Le mesurage permettra d’identifier les discordances avec le règlement de copropriété telles des annexions de parties communes ou les changements d’usage, les changements de consistance ou les lots devenus parties communes, qui pourront alors être régularisées. Ces modifications sont essentielles car elles permettent de faire coïncider les charges avec l’état réel de l’immeuble à défaut de pouvoir les refondre.

En raison du processus de décision, Il conviendra d’abord de démontrer la non-conformité de la grille actuelle avec les règles impératives de la loi. Il ne s’agit pas de faire une simple comparaison entre la répartition actuelle et le nouveau calcul issu des mesurages, mais bien de démontrer l’absence de prise en compte d’un des critères imposés par la loi. Cette première étape permet de justifier de la nécessité de procéder à un nouveau calcul. La nouvelle répartition des charges sera ensuite calculée sur une base certaine en application des critères légaux.

Il sera utile de faire une simulation financière sur la base du dernier exercice approuvé, afin de donner des indications chiffrées aux copropriétaires sur l’incidence financière de la nouvelle répartition. Il conviendra, enfin, d’expliquer que la refonte vise à rétablir une situation anormale dont certains ont profité.

L’importance des budgets engagés au regard de la difficulté du processus de décision rend la refonte des charges aléatoire. Il revient aux praticiens d’informer les copropriétaires sur les difficultés liées à cette opération et de définir avec eux la meilleure stratégie pour arriver à améliorer les répartitions actuelles, à défaut de pouvoir complètement des refondre.

Denis Brachet Denis BrachetGéomètre-expert, président de la CNEC