[N° 585] - Bruits et odeurs en copropriété : comment s'en protéger ?

par Paul TURENNE
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Index de l'article

Quoi de plus insupportable que des odeurs ou des bruits persistants en copropriété ? Ces deux sources de nuisances bien distinctes possèdent toutefois un point commun : celui de se faufiler par le moindre interstice du logement. Le point sur les solutions techniques pour s’en prémunir le mieux possible.
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Près de 66 % des Français s’estiment gênés par le bruit à leur domicile. Un chiffre impressionnant qui montre bien l’ampleur du problème. Car si la réglementation acoustique concernant les logements neufs assure une ambiance sonore agréable (Décret n° 95-20 du 9 janvier 1995), avant 1970, les logements n’étaient soumis à aucune règle. Les transports représentent la première source de nuisance sonore, surtout dans les grandes villes, mais le bruit provoqué par les voisins en habitat collectif n’est pas en reste. Pourtant des solutions relativement simples et financièrement accessibles permettent, le plus souvent, d’améliorer considérablement l’acoustique d’un appartement. Et de régler, par la même occasion, la plupart des problèmes d’odeurs se transmettant à l’intérieur des logements.
Au sein d’un bâtiment, les bruits se propagent par transmissions directes, via les façades, les cloisons, les planchers ou la toiture, mais aussi par transmissions indirectes ou latérales via les parois autres que celles séparatives. Par ailleurs, plus les parois simples sont lourdes et étanches à l’air, plus elles présentent de bonnes performances sur le plan de l’isolement acoustique, leur masse s’opposant aux transmissions de bruits.
Les bruits d’impact propagés de façon mécanique par le sol, tels que des pas, du mobilier traîné ou des chutes d’objets sont appelés transmissions solidiennes. En habitat collectif, le phénomène, lié à la structure et à l’architecture du bâtiment, est amplifié par les dalles communes à plusieurs logements. De même, si le revêtement de sol n’offre aucune élasticité ni résilience aux bruits d’impacts, les sons de basses fréquences se transmettront d’autant plus. Dernière possibilité : les transmissions parasites se faisant le plus souvent via les boîtiers électriques, les gaines techniques, les entrées d’air ou les coffres de volet roulant.
Pour chaque type de transmissions doit être mis en œuvre une isolation acoustique spécifique. Ainsi, l’isolation acoustique vis-à-vis des bruits aériens a, non seulement pour but d’affaiblir leur transmission de l’extérieur à l’intérieur, mais aussi de restreindre leur propagation d’une pièce à une autre. Pour ce qui est des bruits solidiens, l’isolation vise à atténuer le rayonnement des bruits de choc dans les structures. Dans tous les cas, un soin particulier doit être apporté au traitement des ponts phoniques équivalant aux ponts thermiques rencontrés lorsque l’on isole un logement des températures extérieures. Ces endroits où l’isolation est interrompue, ou  affaiblie, représentent un point faible ; les bruits véhiculés par l’air se faufilent par le moindre interstice. D’où la nécessité de poser l’isolation sans rupture. Pour optimiser le résultat, il est également possible de procéder à une correction acoustique, notamment par la pose de matériaux absorbants en paroi. L’objectif est alors de maîtriser la propagation sonore et le temps de réverbération à l’intérieur d’une pièce, évitant entre autres, l’effet écho.



Se préserver des bruits aériens


Pour s’isoler des bruits aériens intérieurs passant par une paroi, différentes techniques peuvent être utilisées. A commencer par un enduit plâtre ou ciment pour les parois peu ou pas étanches à l’air, du fait, par exemple, de briques mal jointes ou de parpaings mal montés. Mais, le plus souvent, l’isolation obtenue ne sera pas suffisante.
Pour la renforcer, la solution la plus simple à mettre en œuvre consiste à coller sur la paroi existante des complexes de doublage au moyen de plots de mortier-colle. Ces produits prêts à l’emploi sont constitués d’une plaque de plâtre collée sur un panneau de laine minérale ou de polystyrène expansé élastifié, de 40 à 100 mm d’épaisseur. Pour être efficace, le montage doit avoir une épaisseur de 70 mm et le collage doit être appliqué à raison de 8 à 10 plots au mètre carré. Attention, les isolants rigides à fonction uniquement thermique, notamment le polystyrène expansé, le polystyrène extrudé ou le polyuréthane rigide associé à une plaque de plâtre sont absolument inefficaces contre le bruit. Pire, ces doublages peuvent dégrader la performance acoustique du mur support. S’ils sont collés par l’intérieur, ils vont augmenter les transmissions latérales et ainsi réduire l’isolement entre appartements.
Plus la couche isolante est épaisse, meilleure sera la performance acoustique. Ces plaques ont pour avantage de ne pas trop empiéter sur la surface intérieure, mais ne peuvent être employées que sur des murs droits et en bon état.
Autre possibilité : les doublages sur ossature métallique. Comme leur nom l’indique, ces doublages sont constitués de profilés métalliques qui forment l’ossature, d’une lame d’air partiellement remplie d’isolant d’une épaisseur minimale de 40 mm et de plaques de plâtre. L’isolant peut être de la laine de roche ou bien de la mousse acoustique (mélamine), mais dans tous les cas, il faut bien veiller à ce qu’il ne soit pas comprimé. Une épaisseur minimum de 100 mm, montage compris, est requise pour une bonne efficacité. Par ailleurs, l’étanchéité entre les plaques et en périphérie doit être soignée. A noter, cette technique peut également être mise en œuvre sur des plafonds, les complexes de doublage pour isoler phoniquement les plafonds étant à proscrire dans ce cas. Cela étant, un doublage sur ossature métallique, aussi performant soit-il, ne pourra jamais rivaliser avec une isolation du plancher de l’étage supérieur en vue de lutter contre la transmission des bruits de chocs.
Dernière possibilité plus lourde et réservée au cas les plus «sévères», les contre-cloisons maçonnées désolidarisées. Concrètement, il s’agit d’apposer une bande élastomère d’une épaisseur 5 mm et de largeur égale à l’épaisseur de la cloison enduite. Puis de monter une contre-cloison, en brique, carreaux de plâtre ou blocs de béton cellulaire, ainsi désolidarisée du gros-œuvre. Les résultats obtenus sont le plus souvent excellents, mais cette solution est de loin la plus contraignante.


Isoler contre les bruits solidiens


L’isolation des sols contre les bruits de chocs passe par une réduction de la transmission de l’intensité des chocs sur le support, puis dans le plancher lui-même. Mais attention : avant d’envisager des travaux de changement de revêtement de sol, il convient de vérifier auprès du syndic de l’immeuble que cette intervention ne constitue pas une infraction au règlement de copropriété. L’objectif est, bien sûr, d’éviter une détérioration des performances acoustiques par rapport à l’état initial (cf. encadré «Attention aux changements de revêtements de sol !»)
Première solution facile et peu coûteuse : changer les revêtements de sol pour amortir le choc à la source. Une moquette épaisse, une dalle souple ou un parquet sur lambourdes flottantes permettent de réduire fortement la transmission des bruits d’impact. L’efficacité acoustique pour une moquette sur thibaude ou sur sous-couche caoutchoutée peut ainsi aller jusqu’à 30 dB. Moins performants, les revêtements de sol PVC résilients, ainsi que certains linoléums collés sur sous-couche offrent néanmoins des efficacités pouvant atteindre 20 dB.


Pour un résultat encore plus probant, il faudra procéder à la pose d’une chape flottante, pour peu que la structure existante soit à même de supporter une surcharge et que le sol puisse être surélevé. Un support de désolidarisation de quelques millimètres va être associé à une chape de béton de quelques centimètres qui pourra ensuite recevoir un revêtement au choix. La sous-couche acoustique est généralement composée de laine minérale ou de plastique alvéolaire acoustique. Il est également possible d’employer des sous-couches dites minces, avec des produits du type voile de verre surfacé de bitume ou non-tissé en polyester, d’une épaisseur de quelques millimètres seulement. Quant à la chape en elle-même, elle doit faire 5 cm au minimum.
Pour éviter de trop surcharger un plancher, une chape flottante sèche peut être choisie. Dans ce cas, des panneaux d’isolant semi-rigide comme de la laine minérale, des billes d’argile expansée, ou un mélange cellulose-paille de lin sont intégrés sous un plancher. Ce dernier peut être composé de panneaux de particules, de plaques de plâtre ou de gypse-cellulose. A partir de 40 mm d’épaisseur, une telle chape atténuera aussi la transmission des bruits aériens. Toutefois, la rigidité du plancher support ne doit pas être trop élevée, sous peine d’être incompatible avec une solution acoustique.


Haro sur les bruits d’équipements

Certains équipements collectifs peuvent générer des nuisances sonores particulièrement gênantes et difficiles à corriger, qu’il s’agisse d’une chaufferie, d’une cage d’ascenseur, d’une VMC ou de canalisations d’eau. Si la maintenance n’a pas été assurée régulièrement, des interventions mineures d’entretien peuvent, dans certains cas, être suffisantes. Si ces dernières ne diminuent pas le bruit, le recours à un acousticien, par l’intermédiaire du syndic, peut alors se révéler nécessaire pour mettre en œuvre des solutions efficaces et pérennes.
Fréquents dans les vieux immeubles, les bruits émis par une canalisation dépendent de sa nature (cuivre, plastique ou acier), des matériaux de la paroi qui la supportent et de la vitesse de circulation de l’eau. Souvent, la gêne acoustique provient des colliers simples qui jouent le rôle de transmetteurs du bruit aux parois de fixation. Le remplacement par des colliers garnis de mousse appelés «colliers anti-vibratiles» et la pose d’une pièce en caoutchouc entre la canalisation et les parois la supportant s’avèrent souvent très efficace. Dans le cas d’une canalisation située dans une gaine, comme pour les descentes d’eaux usées, il est également possible de combler le vide par de la laine minérale ou d’isoler la paroi existante. Enfin, une pression trop importante et de faibles diamètres de canalisations peuvent être à l’origine des «coups de bélier» lors de l’ouverture ou de la fermeture brutale des robinets. La solution passe alors par la pose d’un antibélier hydropneumatique à membrane, en tête de colonne.
Concernant la VMC, les vibrations mécaniques du moteur peuvent provoquer des bruits transmis par le piétement ou le socle de l’extracteur. Seule solution : désolidariser la machine du sol avec des plots souples sous les appuis et insérer des manchons souples entre cette dernière et les canalisations. La machine devra même parfois être placée sur une dalle flottante reposant sur un isolant conçu pour résister à l’écrasement. Par ailleurs, les gaines peuvent être équipées d’un silencieux venant s’incorporer entre le ventilateur et les bouches d’extraction, afin d’éviter le  ronronnement du ventilateur. Enfin, laver à l’eau savonneuse les bouches d’extraction, voire les changer permettra le plus souvent d’éviter le sifflement causé par une aspiration d’air trop rapide ou une mauvaise étanchéité.


Attention aux changements de revêtements de sol !


Il est assez fréquent que des résidents changent le revêtement du sol de leurs appartements, par exemple en remplaçant la moquette par du parquet ou du carrelage. Des copropriétaires habitant au-dessous peuvent se plaindre d’une diminution de l’isolation phonique de leurs locaux. Sous réserve de dispositions particulières du règlement de copropriété, les bruits consécutifs au changement en question constituent un trouble de voisinage lorsque, par leur ampleur, ils excèdent ceux qui existaient précédemment (Cass. civ. 15 janv. 2003, Administrer, mai 2003, p. 47 ; CA Paris, 9 avril 2002, Juris Data n° 2002-179282 ; CA Paris, 14 déc. 2005, Juris Data n° 2005-288761).


Ce qu'il faut retenir

Avant d’intervenir, il est indispensable d’identifier le cheminement du bruit. Murs, cloisons, sols et plafonds contribuent ensemble à la transmission du bruit.
• Pour être la plus efficace possible, l’insonorisation doit être effectuée depuis la pièce source du bruit.
• L’étanchéité de la structure est primordiale contre les bruits aériens, car le bruit s’infiltre par tous les passages qui lui sont proposés. Une simple prise électrique ou une canalisation peut s’avérer un véritable pont acoustique entre deux locaux.
• Un revêtement antibruit de sol usé présente une efficacité acoustique très dégradée, voire nulle.
• Quand l’isolation du plafond, seule, ne suffit pas, il faut alors renforcer l’isolement des parois verticales sur lesquelles il repose, afin que les transmissions indirectes de bruit ne puissent plus rayonner latéralement.

 

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Textes extraits du Code de la santé publique relatifs aux bruits


Article R1334-30 - Les dispositions des articles R. 1334-31 à R. 1334-37 s’appliquent à tous les bruits de voisinage à l’exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent, des aéronefs, des activités et installations particulières de la défense nationale, des installations nucléaires de base, des installations classées pour la protection de l’environnement ainsi que des ouvrages des réseaux publics et privés de transport et de distribution de l’énergie électrique soumis à la réglementation prévue à l’article 19 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie.
Lorsqu’ils proviennent de leur propre activité ou de leurs propres installations, sont également exclus les bruits perçus à l’intérieur des mines, des carrières, de leurs dépendances et des établissements mentionnés à l’article L. 231-1 du code du travail.

Article R1334-31 - Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.
En savoir plus : legifrance.gouv.fr


Lutter contre les mauvaises odeurs

Local poubelle mal isolé, canalisations malodorantes, odeurs de cigarette ou de cuisine… S’il convient en premier lieu de s’attaquer à la source des mauvaises odeurs, l’on se retrouve parfois démuni, faute de moyens pour agir, au moins à court terme. Des solutions simples permettent pourtant d’en venir à bout. De manière générale, mieux vaut éviter les désodorisants chimiques qui présentent de sérieux risques pour la santé et se contentent le plus souvent de masquer les odeurs. A contrario, le vinaigre blanc ne présente que des avantages… à part peut être sa mauvaise odeur initiale ! Une fois celui-ci porté à ébullition dans une casserole sans couvercle, les vapeurs de vinaigre se révèlent très efficaces pour neutraliser les effluves malodorantes. Pour limiter les odeurs liées à l’humidité, il peut être judicieux de placer toute la nuit dans une assiette des pommes, des pommes de terre ou des oignons coupés en deux.
Contre les odeurs de cuisine qui peuvent très vite se révéler insupportables pour les narines sensibles, il suffit de faire bouillir pendant vingt minutes un mélange d’eau, de clous de girofles et de jus de citron. Ou bien encore, de l’eau avec du thym ou de la cannelle.
A plus petite échelle, les odeurs dans des espaces confinés s’éliminent en disposant des chaussettes usées remplies de petits morceaux de charbon de bois ajoutés à du thym. A défaut, un coton imbibé d’huile essentielle de lavande fait aussi l’affaire. Contre les odeurs de renfermé, un bol de lait bouilli laissé tout une nuit fera merveille, tout comme la farine de moutarde.
Enfin, contre les odeurs incrustées, en particulier celles de tabac, rien ne vaut le bicarbonate de soude. Après en avoir saupoudré les tapis et les moquettes, il suffit de passer l’aspirateur une à deux heures plus tard pour éliminer toutes traces persistantes.