Face à une copropriété dont la situation comptable ne cesse de se dégrader, comment inverser la tendance ? Le point sur les règles à mettre en œuvre avec des exemples concrets, au sein du cabinet de Me Béatrice Dunogué-Gaffié, administrateur judiciaire à Paris.
Par Paul Turenne
©CNAJMJ
Lorsque la justice désigne un administrateur provisoire pour redresser la barre au sein d’une copropriété, les impayés s’étalent généralement sur plusieurs années, avec des relances de charges restées, peu ou prou, sans effet, un solde très faible – si ce n’est nul –, sans compter des créances parfois élevées. Il n’y a donc plus de temps à perdre, à l’image de ce qui s’est passé dans une copropriété du Kremlin-Bicêtre en région parisienne, administrée pendant plusieurs années (cf. historique ci-contre) par le cabinet de Béatrice Dunogué-Gaffié, administrateur judiciaire à Paris. «Compte tenu des fonds que j’ai appréhendés grâce aux relances adressées aux copropriétaires, j’ai pu dès le départ régler la prime d’assurance et un acompte sur les factures dues à la compagnie des eaux, précise Béatrice Dunogué-Gaffié. J’ai ainsi pu éviter la coupure du branchement qui avait été envisagée par cette dernière.»
Engager au plus vite le dialogue avec l’ensemble des copropriétaires, tout particulièrement ceux défaillants, s’avère indispensable : «Tous les copropriétaires, avec lesquels, je me suis entretenue soit téléphoniquement, soit au cours d’un rendez-vous en mon étude ont pris conscience de leur intérêt à ne pas laisser la situation se dégrader davantage.»
Si quelques copropriétaires réagissent et payent dès les premières mises en demeure, voire à la suite à un commandement de payer par voie d’huissier, un certain nombre ne fait rien. Les procédures judiciaires deviennent alors inéluctables. «Le problème est qu’il s’agit de procédures coûteuses qui interviennent dans des copropriétés n’ayant déjà pas beaucoup de trésorerie. Cela complique encore les choses», déplore Me Dunogué-Gaffié. La solution passe alors par des négociations avec les avocats afin qu’ils acceptent d’être réglés un peu plus tard à l’issue de la procédure. «On peut également faire un appel de fonds exceptionnel auprès des copropriétaires, mais, forcément, on ne récupère jamais l’intégralité puisque les mauvais payeurs ne règlent pas davantage…»
Autre outil très utilisé, les inscriptions aux hypothèques : «Quand on mandate un avocat pour assigner un copropriétaire défaillant, on lui demande également d’inscrire une hypothèque sur le bien immobilier.» Une garantie indispensable.
Recouvrer les impayés… en gérant au quotidien
Quoi qu’il en soit, il convient de poursuivre la gestion de la copropriété en procédant chaque trimestre aux appels de fonds provisionnels. Mais aussi en relançant régulièrement les copropriétaires défaillants, et en réglant les factures de la copropriété en fonction de la trésorerie disponible. L’administrateur ayant, en application de l’article 62-5, alinéas 2 et 3, du décret du 17 mars 1967, tous les pouvoirs y compris celui de l’assemblée générale, il va – parallèlement aux actions de recouvrement – établir les comptes de la copropriété, puis les faire approuver en assemblées générales. «Même si, en théorie, il ne serait pas obligatoire de convoquer une AG dans ce cadre, il est quand même préférable de rencontrer et d’impliquer tous les copropriétaires. Cela permet ensuite, lorsqu’il y a des copropriétaires défaillants, de poursuivre les procédures avec d’autant plus d’efficacité.»
Autant d’actions qui permettent de sortir des copropriétés de l’ornière et de rétablir la situation avec des comptes assainis… dans la plupart des cas. Car la situation s’avère plus complexe au sein de grosses copropriétés, comme celle de dix étages administrée depuis 2008 en Seine-Saint-Denis. «L’immeuble part en ruine avec des ascenseurs à l’arrêt, des problèmes de sécurité, des canalisations fuyardes, beaucoup de frais de procédures qui grèvent le budget. Sans compter des copropriétaires en très grande difficulté économique qui ne payent pas. L’état de l’immeuble est tel qu’aucune compagnie d’assurance ne veut plus l’assurer…»
Un espoir tout de même ; pouvoir bénéficier du programme de renouvellement urbain en cours, pour essayer d’effectuer au moins les travaux urgents visant à mettre en sécurité les occupants de l’immeuble. «À un certain moment, il devient difficile d’inverser la tendance, sans l’aide des pouvoirs publics et de la commune.»
«Les syndics attendent trop !»
Manque de temps, tentative de préserver un semblant de relations avec certains copropriétaires, volonté de ne pas s’engager dans des procédures de recouvrement jugées trop longues… Difficile de cerner les raisons, mais force est de constater que bon nombre de syndics ne réagissent pas assez vite auprès des copropriétaires défaillants, à en croire Me Béatrice Dunogué-Gaffié. «On se rend compte, quand on récupère des copropriétés avec une comptabilité très dégradée, que les syndics n’ont pas engagé des procédures à temps. Il ne faut pas attendre. Quand un copropriétaire ne paie pas ses appels de fond, au bout du deuxième trimestre, il faut déjà le contacter pour voir pourquoi il ne paie pas ses charges. Puis, en l’absence de résultats à l’amiable, engager la procédure immédiatement.» De fait, certains copropriétaires doivent parfois jusqu’à deux ou trois ans de charges ! (cf. exemple ci-dessous) «Plus le copropriétaire doit d’argent, plus il a de mal à rembourser. Au plus tôt la situation est prise, meilleurs sont les résultats. Après il est souvent trop tard…»
Dès lors que la situation est normalisée et les comptes approuvés, ne reste plus qu’à assurer le passage de relais, en réunissant une assemblée générale pour l’élection d’un nouveau syndic. «Je demande systématiquement aux copropriétaires de me transmettre des propositions de contrats de syndic. Une fois ce dernier choisi et élu en AG, je peux ainsi transférer l’ensemble des documents comptables et administratifs», souligne Me Dunogué-Gaffié. L’ultime étape avant un retour à une gestion classique de copropriété.
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