Colloque : Le nouveau visage de la copropriété

par Nathalie Figuière-Brocard, juriste
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Le 24 mars 2017, Yves Stervinou, président des éditions Edilaix, et toute son équipe, ont célébré le troisième anniversaire de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite «ALUR», à la prestigieuse Maison de la chimie de Paris lors d’un colloque intitulé «Le nouveau visage de la copropriété».

En présence de Pierre Capoulade, conseiller honoraire à la Cour de cassation, plus de cent cinquante participants se sont réunis pour assister aux débats orchestrés par Jean-Marc Le Masson, avocat au barreau de Nantes et ancien président de la Chambre nationale des experts en copropriété, qui a souligné «l’anthropomorphisme de bon aloi» de la thématique et a rappelé «le caractère protéiforme» du visage de la copropriété actuelle.

Les premières présentations ont offert un diagnostic qui faisait ressortir l’objectif de “transparence” recherché dans les nouveaux textes. Elles furent l’occasion pour Jean-Marc Roux, maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille et directeur scientifique des éditions Edilaix, de s’interroger sur le devenir de «l’opacité de l’immeuble en copropriété», historiquement «chose des parties», eu égard aux nouvelles obligations d’information des tiers. L’immatriculation des syndicats, l’information des acquéreurs et des occupants ainsi que la future notice d’information sont apparues comme autant de prescriptions qui mettent «les professionnels à contribution» en tant que «vecteurs de communication» des données à délivrer.

Colette Chazelle, avocat au barreau de Lyon et professeur à l’ICH, a ensuite examiné la mise en concurrence des syndics, le contrat-type de syndic, la question des pièces justificatives des charges et les comptes bancaires séparés. Elle a mis en exergue que, face au «choc de la simplification» annoncé, le prisme consumériste des textes actuels place le copropriétaire «non informé ou surinformé», ou le syndic dont le rôle de prestataire de services du syndicat se substitue à sa traditionnelle gestion en «bon père de famille», dans des situations inédites, difficiles à appréhender. Un frémissement a parcouru l’assemblée lorsque, suite aux premiers constats d’incohérences rédactionnelles de certains textes législatifs et réglementaires récents, déjà remaniés, elle évoqua la possibilité d’une «obsolescence programmée de la loi ALUR».

Puis, Bernard Cheysson, avocat au barreau de Paris, a présenté le thème de «la jouvence» en livrant à l’auditoire une description méticuleuse des nouveaux outils numériques, tels que l’extranet, la lettre recommandée électronique et le futur carnet numérique de suivi et d’entretien du logement. L’ajout de textes qui viendront compléter certains de ces nouveaux dispositifs aurait pu rassurer, si cette perspective n’avait pas été assortie d’une mise en garde concernant «les lendemains, qui parfois déchantent» !

L’après-midi fut d’abord consacré à l’examen de “la prévoyance”. Jean-Robert Bouyeure, avocat honoraire à la cour, s’est prêté à un exercice de synthèse sur l’obligation d’assurance responsabilité civile en signalant le rôle exceptionnel d’initiative que pouvait être amené à jouer le syndic pour assurer le syndicat. Il a également déroulé le dispositif du diagnostic technique global en insistant sur l’esprit du législateur qui est d’encourager les copropriétés à exécuter des travaux. Enfin, il a exploré les arcanes du fonds de travaux, en relevant notamment les difficultés à venir dans le cas où une assemblée générale déciderait de ne pas constituer cette réserve, propriété du syndicat, appelée selon la clé de charges générales, voire en fonction d’une clé de charges spéciales. Le docte praticien a rappelé que «le rationnel ne souffle pas toujours au sein des assemblées générales».

La dernière thématique intitulée : “l’assistance”, trouva naturellement sa place à l’issue des problématiques relevées tout au long de la journée. Florence Tulier-Polge, administrateur judiciaire, s’est alors plongée dans «le côté obscur de la force». Sa description du rôle préventif du mandataire ad hoc et des pouvoirs exorbitants de l’administrateur provisoire, a mis en évidence le caractère coercitif de plusieurs mesures dictées par le souci des rédacteurs de la loi du 24 mars 2014, de centrer leur attention sur les moyens de remédier aux difficultés financières rencontrées par certaines copropriétés, le cas échéant via l’intervention de la puissance publique. Elle a insisté sur le fait que le gage de pérennité du travail mené par les professionnels missionnés, trouve aussi sa source dans leur collaboration active avec les membres du conseil syndical des copropriétés concernées.

La clôture des débats fut confiée à l’une des dignitaires de la magistrature, Catherine Masson-Daum, conseiller à la 3ème chambre civile de la Cour de cassation. En miroir à la thématique du jour, elle a rappelé que l’accès au droit de la copropriété implique dorénavant «une forme de dichotomie». Il y aurait en effet lieu de rechercher les règles en vigueur d’une part, dans le droit fondamental du Code civil et de la loi du 10 juillet 1965, et d’autre part, dans de nombreuses dispositions d’usage réglées dans le Code de la construction et de l’habitation ou dans d’autres sources disparates. A l’instar de Janus, dieu romain à deux faces, le nouveau visage de la copropriété pourrait donc, dans ces conditions, être double et faire craindre «une vision où passé et avenir ne cohabiteraient plus». Aussi a-t-il été suggéré d’emprunter la voix de la réflexion pour éviter, notamment ,la généralisation de solutions uniques, qui seraient inadaptées à des situations de fait trop particulières (comme dans «les copropriétés à deux» ou celles ayant subi des modifications substantielles depuis leur situation initiale). L’institution judiciaire avec son rôle d’arbitre, les syndics, les administrateurs judiciaires, les professeurs, les géomètres-experts et les avocats, ont ainsi chacun été appelés à trouver leur part contributive afin de mener à bien le passage des portes de l’avenir.

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