[N° 541] - Entretien avec Philippe Pelletier Président de l’ANAH, Agence Nationale d’Amélioration de l’Habitat

par Phillipe PELLETIER
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La rénovation énergétique des immeubles en copropriété

Il faut, ensemble, réussir la rénovation énergétique des immeubles en copropriété.

La perspective est désormais connue : ramener en 2050 la consommation des appartements à 50-80 Kh/m2/an, avec un seuil intermédiaire de 150 Kh/m2/an en 2020, sachant que la consommation énergétique moyenne des bâtiments est d’environ 240 Kh/m2/an à l’heure actuelle. Il y a évidemment une pente naturelle d’évolution positive, liée à l’accroissement des niveaux d’exigence des réglementations thermiques pour la construction neuve, au développement de matériaux et équipements innovants et à la généralisation de comportements économes.

Il a été ainsi calculé que, si aucune mesure d’amélioration du parc existant n’était prise, le niveau moyen du parc serait ramené à environ 160-180 Kh/m2/an en 2050, soit trois fois plus que l’objectif fixé par le Grenelle.

 

Connaître

Il faut d’abord mieux connaître l’état thermique de nos copropriétés. À cette fin, il est proposé de compléter le carnet d’entretien existant en y intégrant systématiquement la dimension énergétique et, à partir de 2012 sans doute, d’imposer aux immeubles collectifs la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique de l’immeuble, accompagné d’une assistance à maîtrise d’ouvrage spécialisée dans le domaine des économies d’énergie ; ainsi, par la réalisation de cet “éco-plan”, les copropriétaires seront en mesure de délibérer utilement pour décider de la réalisation de travaux d’intérêt commun, de nature à réduire la consommation d’énergie de l’immeuble.

Décider

Il faut aussi permettre que l’assemblée générale des copropriétaires puisse utilement décider de travaux efficaces : à quoi servirait-il en effet que la copropriété décide par exemple d’isoler les combles de l’immeuble collectif, ce qui en soit est une très bonne action, si dans le même temps l’ensemble des huisseries et des fenêtres parties privatives n’était pas aussi amélioré ?

La proposition qui a été faite, et qui devrait retenir favorablement l’attention du Parlement, est ainsi d’autoriser l’assemblée générale des copropriétaires à délibérer sur des travaux d’intérêt commun, même concernant les parties privatives. Dans cette ligne, la copropriété pourrait ainsi décider que les copropriétaires réalisent dans leurs parties privatives des travaux d’économie d’énergie, en même temps que la copropriété en réalise d’autres dans les parties communes. On pourra être surpris de voir les parties privatives être ainsi l’objet de l’attention collective des copropriétaires : on comprendra sans doute que l’intérêt commun des copropriétaires justifie une telle immixtion qui ne change évidemment rien au caractère de partie privative des fenêtres.

Agir

Il faut que l’effort se porte sur les actions essentielles et prenne en compte en priorité les patrimoines collectifs les plus dégradés. Ainsi, dans les Opah copropriétés dégradées et dans les plans de sauvegarde, la réduction des
charges de chauffage constitue souvent l’action prioritaire susceptible de favoriser le redressement de la copropriété, sans que la fixation d’objectif de performance thermique trop ambitieux vienne mettre en péril l’équilibre de l’opération. L’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) s’emploie ainsi à ce que, au cas par cas dans le cadre des études pré-opérationnelles, un programme et des échéances de réalisation des travaux soient fixés, la seule obligation étant que la convention d’Opah ou de plan de sauvegarde comporte un objectif de performance thermique défini sur cette base.

Mais il faut faire plus : le parc de logements compte en effet plus de deux millions de résidences principales situées dans des immeubles en copropriété dotés d’un chauffage collectif (y compris 250.000 en chauffage urbain).
La recherche de l’amélioration énergétique de ce parc est rendue particulièrement complexe par la multiplicité des décideurs et des intervenants.

Il a été justement montré qu’il manque une véritable assistance à maîtrise d’ouvrage en matière d’économie d’énergie, susceptible de prendre en compte, à la fois l’analyse de la situation, les possibilités d’améliorations immédiates sans travaux importants, celles qui supposeraient des travaux importants, la renégociation éventuelle du contrat de chauffage, la mise en place éventuelle d’un contrat de performance énergétique, etc.

L’Agence Nationale de l’Habitat a donc décidé, début juillet 2008, de mener à titre expérimental un rôle de soutien financier consistant à faire émerger une nouvelle prestation d’ingénierie aux copropriétés, appelées ultérieurement à se développer sans aide publique.

Cette ingénierie va évidemment au-delà du diagnostic thermique de l’immeuble.

L’ ANAH va donc entreprendre cette expérimentation avec une dizaine de collectivités locales : le coût de la prestation d’ingénierie de gestion et plan d’économie d’énergie bénéficiera, dans le cadre de ces expérimentations, d’une aide de l’Anah à concurrence de 35 % du montant de la prestation, à condition que la collectivité locale apporte une aide du même montant, et ceci dans la limite d’un plafond fixé à 13.000 euros HT par copropriété. Ces expérimentations démarreront en janvier 2009 pour une période de trois ans, l’idée étant que l’engagement de l’Agence Nationale de l’Habitat, sur cette période, soit d’1,2 million d’euros et concerne environ 300 copropriétés.

En somme, les copropriétés sont invitées à s’engager dans ce grand mouvement de rénovation énergétique du parc existant qui se déploiera jusqu’à 2050. A cette fin, des efforts doivent d’abord être faits pour mieux connaître la situation thermique de chaque immeuble collectif, et un diagnostic de performance énergétique de l’immeuble sera bientôt institué, qui pourra se décliner en diagnostic de performance énergétique des logements. Mais il y a plus : il faut que les copropriétés bénéficient d’une véritable assistance à la rénovation énergétique de l’immeuble, sous forme de prestations d’ingénierie thermique, que l’ ANAH encouragera à titre expérimental à partir de
janvier prochain.

Les copropriétaires, ainsi mieux informés, pourront décider en connaissance de cause des actions à entreprendre, et la loi devrait bientôt faciliter la prise de décision relative à des travaux d’intérêt commun, même concernant les parties privatives. Enfin, un grand effort doit être fait, qui touche au chauffage collectif, par priorité dans les copropriétés les plus dégradées, et plus généralement dans l’ensemble des copropriétés concernées.

Il reste à trouver les financements de telles actions : on sait que le crédit d’impôt devrait être étendu et ajusté pour développer une efficacité plus grande. On entrevoit aussi que les certificats d’économie d’énergie vont connaître un grand développement qui devrait, à court terme, permettre au syndic de la copropriété de valoriser l’action d’économie d’énergie réalisée par la copropriété, et ainsi alléger la facture collective.

Bien entendu, un tel système sera suivi et évalué en permanence, de façon à être adapté au fur et à mesure de la réalisation des objectifs.

 

Philippe Pelletier, Avocat

Lefèvre Pelletier et associés,
Président du comité opérationnel :  “rénovation énergétique des bâtiments existants”