[N°621] - Entretien avec Catherine Jeufraux-Emorine, syndic de copropriété et administrateur de biens

par YS
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"Pour un statut de syndic de redressement"

Catherine Jeufraux-Emorine, syndic de copropriété et administrateur de biens, a été désignée présidente de l’association QualiSR. Cette jeune association, composée d’acteurs du traitement de copropriétés en difficulté a pour objet de définir un référentiel en vue d’établir une certification de ”syndic de redressement”. L’association compte aujourd’hui 21 membres. ©DR

Votre association est porteuse d’une initiative originale. Quelles sont les personnes qui sont à l’initiative de cette démarche et qui sont membres de cette association ?

«L’initiative première du projet revient à l’ARC (Association des responsables de copropriété), qui avait travaillé plusieurs années auparavant sur un projet de référentiel de syndic de redressement de copropriétés en difficulté. Lorsqu’elle a voulu reprendre le projet, elle a réalisé que sa position d’association de copropriétaires et son souci d’indépendance ne lui permettaient pas d’assumer seule de mettre autour d’une table toutes les parties prenantes à un tel projet : syndics de copropriété, opérateurs, collectivités, associations, etc. Elle s’est alors tournée vers Alain Papadopoulos,rédacteur en chef du site Universimmo.com et Antoine Patier, ancien directeur de PACT départemental, fin connaisseur des plans de sauvegarde et des OPAH, afin de co-piloter le travail collectif nécessaire à la création d’un référentiel susceptible de déboucher sur une labellisation des syndics disposant des compétences et des moyens de gérer et redresser des copropriétés en difficulté.
Le groupe de travail constitué a réuni, d’une part, des syndics de copropriété impliqués dans la gestion et le redressement de copropriétés en difficulté, à titre individuel comme moi-même, ou par l’intermédiaire de l’association Plurience réunissant de grands administrateurs de biens, et, d’autre part, l’essentiel des grands acteurs intervenant dans les redressements : la fédération des PACT (devenue SOLIHA) et des opérateurs tels qu’Urbanis, Citémétrie, Coprocoop, l’ANAH, l’Union sociale de l’habitat, le conseil régional d’Ile-de-France, l’ARC et la Fondation Abbé Pierre. Après de nombreuses réunions, ce groupe a permis de formaliser dans un référentiel les engagements et moyens nécessaires quand il s’agit de gérer des copropriétés en fragilité, voire d’exercer les fonctions d’administrateur provisoire des copropriétés faisant l’objet d’un redressement judiciaire, et à créer un signe de reconnaissance permettant d’attester de la capacité à mettre en œuvre la mission de syndic dans ces contextes. Parmi les trois types de signes de reconnaissance envisageables (label, qualification d’entreprise ou certification de services), le
choix s’est rapidement porté sur ce dernier. Mais la certification de service doit être délivrée par un organisme certificateur sur la base d’un référentiel validé par le COmité FRançais d’ACcréditation (COFRAC). Ce certificateur doit être sélectionné, et doit être ensuite accompagné, dans un premier temps pour la mise en forme du référentiel et sa validation en vue d’une certification, puis pour la promotion de la certification auprès des syndics. Un groupe de travail informel ne pouvait assurer cette mission, d’où la création de l’Association ”QualiSR“ en vue de la reconnaissance des syndics de redressement. De grands groupes d’administration de biens en font partie comme Procivis Immobilier (groupe Immo de France) ou Citya-Belvia. Le certificateur devrait être retenu cet automne et la certification démarrée si tout va bien au printemps 2017.»


Par rapport à un syndic classique, quelles sont les qualités que doit avoir un syndic dit «de redressement» ?

«Un syndic de redressement est d’abord un syndic, qui doit en tous points remplir avec rigueur la mission que lui fixe la loi. Mais dans une copropriété en fragilité ou en difficulté avérée, les problèmes à traiter sont multipliés par rapport à une copropriété saine : impayés chroniques, services sus- pendus, dégradations et retard d’entretien allant jusqu’à des situations d’insalubrité et de péril, désordres comptables laissés par un précédent syndic, etc. Le syndic prenant les choses en mains doit pouvoir mobiliser rapidement les ressources humaines appropriées, à la fois en termes de disponibilité et de compétences, pour prendre la mesure des problèmes, puis élaborer avec les parties prenantes – copropriétaires, opérateur éventuel désigné dans le cadre d’une procédure publique engagée, collectivités territoriales impliquées, etc. – et mettre en œuvre sans faiblesse un plan d’action à la fois réaliste et efficace. Il faut de la disponibilité pour un suivi quotidien des problèmes, une grande réactivité, une réelle compétence en matière de maîtrise des charges, ainsi qu’une grande efficacité en matière de recouvrement des charges et de mobilisation des ressources et dispositifs d’aide appropriés.»


Quels sont les arguments que vous pourriez mettre en avant afin que les syndics de redressement soient désignés en lieu et place des administrateurs judiciaires ?

«Lorsqu’il s’agit de désigner un administrateur provisoire pour un redressement judiciaire, le premier réflexe des tribunaux est de choisir un administrateur judiciaire. Certains, parce qu’ils ont développé en leur sein un service de gestion de copropriétés. D’autres, qui n’ont pas eu l’occasion de le faire, sous-traitent à un ou plusieurs syndics privés, la gestion quotidienne des copropriétés qu’ils ont mandat d’administrer. Dans l’un ou l’autre de ces contextes, les ressources mises en œuvre pour le redressement risquent de ne pas être à la hauteur de la situation ! La désignation directe d’un syndic de redressement labellisé en tant qu’administrateur provisoire offrirait une meilleure sécurité à la fois dans le diagnostic, dans l’identification et la mise en œuvre des mesures appropriées. La loi ALUR a prévu cette possibilité ; le décret du 17 août 2015 a fixé avec précision les conditions à remplir pour qu’un syndic professionnel puisse être désigné directement en tant qu’administrateur provisoire. Notre certification doit aussi permettre d’attester que ces conditions sont bien remplies.»
Pensez-vous que votre intervention au sein d’une copropriété en difficulté puisse déboucher, au terme de votre mission, sur un mandat de syndic ?
«Le redressement d’une copropriété en difficulté peut être un travail de longue haleine, éprouvant, et se déroulant sur plusieurs années. Il est souhaitable pour l’équipe qui s’en est chargée, une fois la copropriété remise d’aplomb, de passer la main, y compris s’il y a lieu à une autre équipe de gestion au sein du même cabinet. Même chose si notre intervention a eu lieu sur mandat d’administration provisoire. Rien n’interdit à la fin du mandat de postuler en tant que syndic de droit commun. Pour les copropriétaires, ceci peut être une sécurité de continuité d’une gestion sans rupture. Mais il ne faut pas en faire un but en soi.»●

En savoir plus :

Association QualiSR C/O SOLIHA,
27 rue La Rochefoucault, 75009 PARIS