[N° 605] - Entretien avec Jean-François Dalbin: Le géomètre-expert et la copropriété

par Edilaix
Affichages : 5260

Géomètre-expert à Vincennes, Jean-François Dalbin est Premier vice-président du Conseil supérieur depuis 2011. Pointu sur les questions de copropriété, il est l’élu réfèrent de la commission Immobilier de l’Ordre des géomètres-experts. Il a été rapporteur de la troisième séance du 41e congrès des géomètres-experts, intitulé “la copropriété et ses alternatives“.

Quel rôle joue le géomètre-expert lors de la mise en copropriété d’un immeuble, et plus généralement dans l’application de la loi de 1965 ?

Délégataire de puissance publique, le géomètre-expert définit et garantit les limites de propriété. Il bénéficie, à ce titre, d’un monopole, définit au 1° de l’article 1er de la loi du 7 mai 1946 créant l’Ordre des géomètres-experts.

Ainsi, et en premier lieu, lors de la mise en copropriété d’un immeuble existant, le géomètre-expert va garantir les superficies privatives et l’état descriptif de division. A ce stade, il convient de préciser que les plans annexés à l’état descriptif de division, lors de la mise en copropriété d’un immeuble, relèvent du monopole professionnel du géomètre-expert. C’est ce que le Commissaire du Gouvernement Daniel Labetoulle a démontré, dans le cadre du 41ème congrès des géomètres-experts en septembre 2012, et qu’il a dénommé le “Principe de La Rochelle“.

Dans le cadre de cette mission, le géomètre-expert réunit ensuite l’ensemble des documents techniques nécessaires au notaire pour établir l’acte et la publication correspondants.

Lors de la mise en copropriété de bâtiments en état futur d’achèvement, le géomètre-expert est, en second lieu, compétent pour vérifier les cohérences par rapport tant au permis de construire, qu’aux plans de vente. Il calcule les quotes-parts de parties communes de chaque partie privative et les tantièmes de charges d’équipement.

En troisième lieu, le géomètre-expert intervient, dans les immeubles soumis au statut de la loi de 1965, lorsqu’un propriétaire souhaite diviser un lot ou privatiser une partie commune comme un grenier ou une partie de couloir. Afin de préparer les décisions d’assemblée générale, il mesure les lieux, dresse le plan correspondant, calcule les superficies concernées, les millièmes généraux, les tantièmes d’équipement d’ascenseur, de chauffage, etc.

Enfin et en quatrième lieu, le géomètre-expert est seul habilité à procéder à la scission de la copropriété composée de plusieurs bâtiments. Il sera alors compétent pour dresser un plan de division, analyser les mitoyennetés, créer les éventuelles servitudes, adapter les états descriptifs des nouvelles entités en répartissant les quotes–parts de propriétés et les nouvelles grilles de charge. 

Le statut de géomètre-expert permet d’assumer également des tâches en matière de transaction ou de gestion d’immeuble. En quoi est-ce compatible avec les missions traditionnelles de la profession ?

L’article 8-1 de la loi du 7 mai 1946 permet en effet au géomètre-expert valablement autorisé d’exercer des activités d’entremise et de gestion immobilières. Contrairement aux autres professionnels de l’immobilier, le géomètre-expert n’est pas soumis à la loi Hoguet du 2 janvier 1970. Cependant, sous la surveillance et le contrôle de l’Ordre, le géomètre-expert présente toutes les garanties tant au niveau de la compétence que sur un plan financier pour exercer une telle activité.
Afin de garantir l’impartialité et l’indépendance du géomètre-expert, l’article 8-1 de la loi de 1946 pose toutefois deux exceptions à l’exercice de l’activité d’entremise immobilière. Tout d’abord, cette activité ne peut tout d’abord pas être liée à une opération d’aménagement foncier mentionnée à l’article L.121-1 du Code rural et de la pêche. Par ailleurs, cette activité ne peut être exercée simultanément avec les missions relevant du domaine réservé du géomètre-expert. Le géomètre-expert ne peut donc à la fois procéder à la délimitation d’un terrain et, dans le même temps, conclure un mandat en vertu duquel le propriétaire le chargerait de trouver un acquéreur pour ce même terrain. Il s’agit d’une règle contraignante, mais qui trouve sa justification dans la délégation de puissance publique dont le géomètre-expert est investi.

Les activités immobilières supposent la plupart du temps que le bien immobilier, objet du mandat, soit évalué sur la base d’une juste appréciation. Le géomètre-expert est compétent pour estimer la valeur des biens immobiliers, qu’il s’agisse de biens ruraux ou urbains. Le géomètre-expert va ainsi choisir la méthode d’évaluation la plus appropriée et en conformité avec les dispositions de la charte de l’expertise en évaluation immobilière dont l’Ordre des géomètres-experts est signataire.

Parmi les lois récemment intervenues en matière immobilière, quelles sont les mesures qui ont retenu plus particulièrement l’attention des géomètres-experts ?

On pense inévitablement à la loi ALUR du 24 mars 2014 qui a impacté l’immobilier dans son ensemble, et bien évidemment la profession de géomètre-expert. Ce texte reprend des idées intéressantes qui malheureusement ne répondent pas toujours à l’attente des différents professionnels dans leur rédaction.

Je prendrais pour exemple deux modifications que nous avions appelées de nos vœux lors de notre congrès de La Rochelle en 2012. La scission en volumes des copropriétés reprend une idée que différentes professions soutenaient. Mais sa rédaction finale faisant référence à des autorisations du maire ou du préfet nous laisse dubitatif. Soulignons toutefois la satisfaction de voir apparaître enfin, dans un texte de loi, la notion de volumes consacrée par la pratique depuis cinquante ans.

Nous souhaitions moderniser l’article 29 de la loi de 1965 pour permettre une utilisation plus large de l’union de syndicats, mode de gestion simple mais malheureusement sous utilisé du simple faite que nous ne pouvons pas restreindre la sortie de l’union. Cette évolution est possible que dans le cadre de la scission en volumes, sous certaines conditions.

D’autres articles de la Loi ALUR impactent directement la profession. Je pense notamment à  l’article 155 sur l’intégration des topographes à l’Ordre des géomètres-experts. Il répond à une demande de l’Ordre d’un texte respectant les équilibres.

L’article 55, ensuite, rend obligatoire à compter du 27 mars 2015 le compte bancaire séparé pour la gestion des syndicats de copropriétaires. Cette disposition modifie le fonctionnement traditionnel de l’activité de syndic des géomètres-experts. En effet, afin de garantir l’ensemble des fonds et valeurs détenus par les géomètres-experts pour le compte de leur client, l’Ordre a mis en place une Caisse des règlements pécuniaires, fonctionnant par le biais de sous comptes. Ce fonctionnement n’est désormais plus possible pour les copropriétés de plus de quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces et, sous certaines conditions, pour les copropriétés plus petites. Nous le regrettons car cette caisse offrait une garantie forte pour nos mandants. Cette nouvelle organisation ne remet cependant pas en cause l’existence même de la Caisse, puisque la garantie offerte aux clients des géomètres-experts continue de s’appliquer pour les autres activités de gestion immobilière et les activités d’entremise.

D’autres articles impactent notre quotidien mais je ne pourrais les évoquer tous. Toutefois, il est bien évident que nous ne manquerons pas de suivre et de participer à la rédaction des décrets à paraître.