[N° 613] - Les clés de charges

par Nathalie FIGUIERE
Affichages : 4774

Petit rappel des règles mises en place par la loi du 10 juillet 1965 qui a clarifié la dichotomie entre les charges relatives aux éléments d’équipement communs et les charges communes générales.

Par Nathalie Figuière-Brocard, Juriste à l’Association nationale de la copropriété et des copropriétaires (Ancc)

Petit rappel des règles mises en place par la loi du 10 juillet 1965 qui a clarifié la dichotomie entre les charges relatives aux éléments d’équipement communs et les charges

En janvier 2012, le rapport de Dominique Braye, alors président de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), mettait en évidence l’impérieuse nécessité de créer des outils afin de remédier au problème des copropriétés en difficulté financière, qui a émergé depuis les années 80. Cette préoccupation s’est accrue avec les besoins croissants en gros travaux, notamment dans le domaine de la rénovation énergétique. La participation juste et équilibrée aux charges se révèle plus que jamais au cœur des préoccupations de copropriétaires. Ces quelques lignes sont l’occasion de rappeler les règles mises en place par la loi du 10 juillet 1965 en matière de charges (art. 10, al. 1er  et 2).

Indications figurant dans le règlement de copropriété
Tout règlement de copropriété publié à compter du 31 décembre 2002 indique les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer notamment la répartition des charges (art. 10, al. 4, de la loi de 1965).
Les règles de l’article 10 de la loi de 1965 doivent obligatoirement être suivies (application de l’art. 43, al. 1er, de la loi). Néanmoins, une part de liberté est laissée à l’appréciation du géomètre-expert chargé de mettre en place un état de répartition des charges adapté à chaque copropriété.
Il ne revient pas au syndic de répartir à sa convenance les charges entre les copropriétaires : il doit s’en tenir à l’état de répartition figurant dans le règlement de copropriété (C. Atias, Le syndic, maître de la répartition des charges ? AJDI février 2013, p. 81).
Le notaire, rédacteur du règlement de copropriété, doit veiller, avec le géomètre-expert, à ce que les clés de charges ne soient pas démultipliées et génèrent des risques d’erreurs.

Les charges des services collectifs et des éléments d'équipement communs
En application du premier alinéa de l’article 10, « les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun » (ascenseur, chauffage collectif, eau froide, eau chaude, etc.) « en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot ».
L’utilité doit être prise en compte de manière objective, in abstracto : seule la potentialité d’utilisation d’un service par chaque lot est retenue, et non de son utilisation effective. Il n’y a pas de pondération en fonction du nombre d’occupants des lots (Rép. Min. n° 9435, JOANQ 2 avril 2013, p. 3604). Un copropriétaire pourrait être dispensé du paiement des charges relatives à un élément d’équipement commun, s’il ne présentait aucune utilité pour son lot (V. pour des dépenses d’eau froide : Cass. 3e civ., 25 janv. 2012, n° 10-27.014).
Pour établir une répartition équitable, les géomètres-experts retiennent des critères variés en fonction des services ou des éléments. Par exemple, pour calculer les charges d’ascenseur, ils vont recourir à un coefficient de progressivité en fonction des étages desservis ; la nature des lots concernés (appartement, cave, parking, etc.), la superficie des lots clos et couverts, ou leur capacité d’occupation, seront également pris en compte. Un coefficient multiplicateur sera appliqué, si la fréquentation est plus intense dans un lot où est exercée une activité professionnelle ou un commerce (Congrès de la Chambre nationale des experts en copropriété, Les charges de copropriété, AJDI juillet/août 2008, p. 538).
    
Les charges « communes générales »
Les copropriétaires participent aux charges « communes générales » (relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, telles que les honoraires du syndic, l’assurance des parties communes, l’entretien des parcs et jardins, l’éclairage des parties communes, etc.) et au fonds de travaux mis en place par la loi ALUR du 24 mars 2014 (obligatoire, dans certains cas, à partir de 2017 seulement), « proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots », telles qu’elles résultent de la consistance, la superficie et la situation des lots, mais sans égard à leur utilisation (art. 10, al. 2 et 5 de la loi de 1965).
La consistance correspond à la nature des lots (appartement, garage, cave, etc.), leurs éléments accessoires (balcon, véranda, terrasse, etc.), la qualité des matériaux de construction ; la superficie est distincte de celle dite « Carrez », elle est déterminée par les géomètres-experts ; la situation prend en compte par exemple, la présence d’un jardin attenant au lot ou l’ensoleillement (J.-M. Roux, Charges de copropriété : les règles de répartition, Inf. Rap. Copr. novembre 2012, p. 23).

Cas  particuliers
• La spécialisation contractuelle des charges est possible pour l’entretien d’une partie d’immeuble ou l’entretien et le fonctionnement d’un élément d’équipement qui ne bénéficierait qu’à certains copropriétaires (art. 24 III de la loi de 1965). Ce peut être le cas dans un ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments où le règlement de copropriété prévoit que seuls les copropriétaires concernés par la partie ou l’élément commun, participeront aux dépenses (Florence Bayard-Jammes, Questions-Réponses, Inf. Rap. Copr. octobre 2013, p.  53).

• Les titulaires de lots transitoires participent aux charges «communes», mais ils ne contribuent à celles entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement communs, qu’en proportion de l’utilité qu’ils leur procurent. Ils pourront donc en être le plus souvent exonérés (Cass., civ. 3e, 14 nov. 1991, n° 89-21167 ; Cass., civ. 3e, 10 oct. 2007, n° 06-18122).

• Les résidences de services obéissent à ce jour à un régime particulier (chap. IV Bis de la loi de 1965). Les charges relatives aux services spécifiques (restauration, surveillance, loisirs, etc.) suivent la règle de l’article 10, alinéa premier. Cependant, les dépenses liées aux prestations individualisées (coiffure, soins esthétiques, etc.) ne sont pas considérées comme des charges et sont réglées au cas par cas, par le seul utilisateur (art. 41-3, al. 2 ; v. Camille Dreveau, Le développement des services à la carte au sein de l’immeuble en copropriété, AJDI avril 2015, p. 274).