[N°632] - Entretien avec Denis Brachet

par YS
Affichages : 3479

«Le règlement de copropriété et l’état descriptif de division relèvent de deux régimes juridiques distincts.»

Denis Brachet est géomètre-expert à Paris et à Lyon, expert près la cour d’appel de Paris, et vice-président de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC).

© Jérome Chion/Clics eirl

Les critères de répartition des tantièmes de propriété sont définis par la loi du 10 juillet 1965. Comment sont-ils appréhendés par le géomètre lors de l’élaboration de l’état descriptif de division ?

Le règlement de copropriété et l’état descriptif de division relèvent de deux régimes juridiques distincts. Le premier est un document conventionnel dont le contenu obligatoire est fixé par la loi du 10 juillet 1965 alors que le second, qui contient notamment les quotes-parts des parties communes, est régi par les dispositions relatives à la publicité foncière. Il y a donc une différence de statut entre la manière dont l’immeuble en copropriété sera administré et celle dont la propriété sera répartie en lots.


Dans les faits, l’état descriptif de division et les plans de division sont souvent intégrés au règlement de copropriété pour ne former qu’un seul document, ce qui ne va pas sans poser la question de son opposabilité en tant qu’unique outil concourant à définir la propriété et à qualifier les espaces.


La détermination des quotes-parts des parties communes est définie à l’article 5 de la loi. Il introduit la notion de la valeur relative de chaque lot par rapport aux autres lots formant la copropriété telle qu’elle résulte des trois critères de consistance, de superficie et de situation.

La consistance représente la qualité intrinsèque des ouvrages formant le lot (qualité de matériaux, hauteurs sous plafonds, distribution du local, éclairage, ventilation...) en faisant abstraction de son utilisation.


Le critère de superficie repose sur la mesure objective du lot. L’important pour le géomètre-expert sera d’utiliser une définition des surfaces adaptée à l’immeuble divisé. On n’utilisera pas la même définition des surfaces pour diviser une galerie commerciale ou un immeuble d’habitation.
Enfin, la situation reflète la valeur supplémentaire apportée au lot par la qualité de son emplacement dans l’immeuble et de sa desserte.


La règle posée par l’article 5 fait que chaque immeuble sera unique et devra être appréhendé comme tel par le géomètre-expert. Ce dernier l’aura mesuré pour en établir les plans ou l’aura étudié avec les concepteurs en cas d’immeuble à construire. Il sera donc à même de parfaitement quantifier les différentes composantes de la valeur relative.
Il devra veiller à effectuer un découpage judicieux de l’immeuble et utiliser des coefficients représentatifs de la valeur relative de manière pertinente afin de ne pas engendrer de déséquilibres entre les différents lots.


Il s’agit d’un travail fin qui engage l’avenir de l’immeuble et qui ne doit pas être effectué de manière mécanique.


La démarche du géomètre est-elle identique lors de la détermination des tantièmes de charges ?


L’article 5 est d’application supplétive. Tout autre mode de répartition des quotes-parts des parties communes serait donc licite mais il faut observer qu’en vertu des dispositions de l’article 10 de la loi, l’article 5 devient obligatoire pour la détermination des charges afférentes à l’entretien et à l’administration des parties communes.


Adopter un autre mode de calcul que celui décrit à l’article 5 pour la détermination des quotes-parts de parties communes reviendrait donc à considérer que le niveau de participation aux charges est différent du niveau de participation à l’assemblée, ce qui est difficilement soutenable.


En conséquence, les quotes-parts des parties communes seront le plus sou- vent calculées en application des principes de l’article 5 de la loi et il y aura donc une parfaite correspondance entre les deux grilles.


Néanmoins, une difficulté peut naître dans certains règlements de copropriété qui ne prévoient pas l’existence de parties communes spéciales mais qui contiennent néanmoins des charges spéciales. Dans cette hypothèse, ce sera le juge qui devra qualifier la dépense et ce sans être tenu par les dispositions du règlement de copropriété.
Pour palier ces difficultés, il pourrait être envisagé dans une modification de la loi qu’il ne puisse y avoir de parties communes spéciales en l’absence de charges spéciales et réciproquement. Les quantums étant calculés selon les mêmes modalités impératives.



Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la valeur relative qui découle de la loi de 1965 et la valeur vénale d’un lot ?


La valeur vénale est une notion économique. Elle correspond au prix auquel un bien peut raisonnablement être cédé en cas de mise en vente amiable. Elle suppose certains préalables qui vont garantir l’existence d’un marché stable, transparent, ouvert et sans convenance personnelle entre les parties.


La valeur vénale dépend de facteurs internes propres à l’immeuble évalué mais, à la différence de la valeur relative, elle dépend aussi de facteurs externes directement liés à l’environnement. L’aire géographique, les contraintes règlementaires, la vitalité du marché ou encore les politiques fiscales, sont autant de paramètres qui sont de nature à peser sur le comportement des acteurs économiques.


La valeur vénale dépend directement du marché sur lequel le bien sera offert. Il s’agit, par définition, d’un montant variable.


À l’inverse, la valeur relative a été voulue immuable par le législateur. Elle répond à des critères d’ordre public en matière de détermination des charges et représente, de la manière la plus objective et la plus durable possible, les différences de qualités intrinsèques entre chaque lot au sein de l’immeuble.

Objective car reposant sur des critères propres à chaque immeuble.
Durable car expressément coupée de l’utilisation qui pourrait être faite du lot considéré à un moment donné.


La valeur relative se distingue donc de la valeur vénale par l’absence de prise en compte de l’environnement de l’immeuble, de l’utilisation du lot ou encore de sa liquidité.