[N°626] - Entretien avec Laurence Souleau-Mougin, avocate

par YS
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«Les deux-tiers des procédures concernent le recouvrement de charges.»

Avec ce dernier entretien avec un professionnel de la copropriété, nous achevons notre cycle de présentation des métiers  satellites de la copropriété. Après l’administrateur de biens, le syndic, le géomètre-expert, le notaire, l’huissier ou encore l’administrateur judiciaire, c’est une avocate qui répond aux questions de la rédaction. Maître Laurence Souleau-Mougin est spécialiste en droit immobilier au barreau de Paris, membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC).

Quelles sont les difficultés les plus fréquemment rencontrées dans le domaine de la copropriété qui impliquent le recours à un avocat ?

«Le contentieux de la copropriété est à plus des deux-tiers, composé des procédures de recouvrement des charges de copropriété impayées. Lorsque la somme à recouvrer à l’encontre du copropriétaire est supérieure à 10 000 €, le ministère d’avocat est obligatoire devant le tribunal de grande instance. Cependant, devant la juridiction de proximité (moins de 4 000 €) et devant le tribunal d’instance (entre 4 000 et 10 000 €), ce n’est pas le cas et les syndics font parfois l’économie du recours à l’avocat, ce qui n’est pas forcément un bon calcul du fait de la précision et de l’expérience nécessaires pour établir un dossier complet permettant d’obtenir une pleine condamnation, et ce en dépit de l’apparente simplicité de l’exercice.
Les syndicats des copropriétaires font également appel à un avocat lorsqu’ils rencontrent des difficultés liées au non-respect par les copropriétaires d’autres de leurs obligations comme, par exemple, les nuisances générées par l’exploitation d’une activité dans l’immeuble, les désordres causés aux parties communes par un dégât des eaux ou la réalisation, sans autorisation de l’assemblée générale, de travaux qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.
L’avocat est également fréquemment sollicité tant par les syndicats que par les copropriétaires en matière de contentieux des assemblées générales de copropriété. En effet, la contestation des décisions d’assemblées générales aux fins d’en obtenir l’annulation ne peut se faire que par assignation devant le tribunal de grande instance avec ministère d’avocat obligatoire.
Le recours à l’avocat est aussi nécessaire dans le domaine de la contestation de la répartition des charges de copropriété, lorsque le règlement de copropriété impute à un copropriétaire une quote-part de charges dont il n’est pas redevable aux termes de la loi. Dans ce cas, en l’absence d’une décision d’assemblée générale prise à l’unanimité, une action en annulation de la répartition des charges illégale devra être engagée devant le tribunal de grande instance avec représentation obligatoire
par un avocat.»


Les modes alternatifs de règlement des conflits sont aujourd’hui clairement mis en avant par les pouvoirs publics. Quel rôle peut jouer l’avocat dans ce type de procédure ?

«Les modes alternatifs - ou amiables - de règlement des conflits (MARC), des litiges (MARL) ou des différends (MARD), fortement encouragés par les pouvoirs publics, recouvrent tous une même réalité et visent le même objectif : éloigner les litiges des tribunaux de plus en plus encombrés, et devant lesquels les délais s’allongent sans cesse et aussi, sans doute, alléger les coûts de fonctionnement des juridictions.
C’est ainsi qu’après le décret n° 2015-282 du 11 mars 21015 relatif à la simplification de la procédure, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 «de modernisation de la justice du XXIème siècle» se donne pour ambition notamment de «favoriser les modes alternatifs de règlement des différends» (titre II de la loi). Cette notion englobe la médiation, la conciliation, la procédure participative, la transaction et l’arbitrage.
Il est traditionnellement considéré que les avocats sont plutôt réticents à engager leurs clients dans un processus de règlement amiable des différends, surtout sous l’égide d’un tiers. Cela n’est pas complètement exact et les mentalités évoluent.
La tentative de rapprochement des parties et la recherche d’une solution amiable entrent depuis toujours dans la mission de l’avocat et font partie de son quotidien. Nous sommes nombreux à faire nôtre le fameux adage selon lequel «une bonne transaction vaut mieux qu’un mauvais procès». Notre profession doit jouer un rôle prépondérant dans le processus de règlement alternatif des conflits avec évidemment pour préoccupation première l’intérêt du client.
Le rôle de l’avocat est différent selon que le mode alternatif de règlement mis en place fait ou non appel à un tiers. Dans ce dernier cas, son rôle ne doit pas être confondu avec celui du médiateur ou du conciliateur. L’avocat n’est pas impartial et se doit d’assister et de conseiller son client sur le plan juridique pour le conduire à une solution transactionnelle équilibrée tout en veillant à la stricte application des règles de droit. Il doit garder la maîtrise juridique du dossier.
L’avocat a aussi un rôle de pédagogue vis-à-vis de son client afin de l’informer des avantages et des inconvénients présentés par les modes alternatifs des règlement des conflits - encore mal connus du grand public - par rapport au recours au juge.»


Quel est le coût moyen de l’intervention d’un avocat dans les litiges habituellement rencontrés en copropriété ? Comment le coût financier d’une procédure judiciaire est-il réparti ?

«Il est très difficile de répondre à cette question du fait de la diversité des situations. Il faut rappeler que la fixation de leurs honoraires par les avocats est libre. Les deux méthodes de fixation du coût des honoraires les plus couramment pratiquées sont, d’une part, le taux horaire et, d’autre part, l’application d’un forfait pour une procédure déterminée. Les montants sont très variables d’un cabinet à l’autre, étant précisé qu’en application de la loi du 31 décembre 1971 et du règlement intérieur national de la profession d’avocat, un certain nombre de critères doivent être respectés, au nombre desquels la notoriété et l’expérience de l’avocat, l’incidence des frais et charges de son cabinet et la situation de fortune du client.
Depuis la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, l’avocat doit conclure par écrit avec son client une convention d’honoraires.»
«Le coût financier d’une procédure judiciaire entre dans la catégorie des charges communes générales, et est donc réparti comme tel entre les copropriétaires. Cependant, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 apporte une exception à ce principe en dispensant automatiquement le copropriétaire qui gagne son procès contre le syndicat de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, qui est alors répartie entre les autres copropriétaires. En ce cas, après avoir réparti les frais de procédure en charges communes générales, le syndic doit créditer le compte du copropriétaire de sa quote-part et répartir celle-ci entre les autres copropriétaires.»