[N° 609] - Entretien avec Jean-Pierre Désir

par Edilaix
Affichages : 4008

Titulaire d’une maîtrise de droit des affaires obtenue en 1989 à la faculté de droit de Nice, Jean-Pierre Désir exerce depuis 1990 la fonction de syndic d’immeubles. Il a dirigé, notamment, jusqu’en mai 2014 le cabinet d’administrateur de biens PRO.GE.DI à Beausoleil (06), aujourd’hui consultant au sein de ce cabinet. Il est l’auteur du blog Syndic Pro.

 

Quel est votre regard sur les conditions d’adoption du décret du 26 mars 2015, notamment l’absence de prise en compte de l’avis négatif du Conseil national de la transaction et la gestion immobilière (CNTGI) ?
Les conditions d'adoption du décret du 26 mars 2015, me laissent perplexe quant à la légitimité et la crédibilité du CNTGI.
On a le sentiment que les pouvoirs publics ont fait mine de faire droit aux demandes des organisations professionnelles en leur «lâchant» la mise en place du CNTGI avec la composition qu'elles souhaitaient pour ce Conseil, avec toutefois l'intention, pour les  pouvoirs publics, d'entendre les professionnels sans les écouter.
Même avec un CNTGI composé de représentants de professionnels de l’immobilier et de représentants des consommateurs, et contrairement à son avis, les pouvoirs publics ont publié le décret tant attendu sur le contrat type de syndic. Celui-ci, comme l'indique la CLCV, association représentant des consommateurs, dans son communiqué de presse du 1er avril 2015, n'avantage pas les copropriétaires.
Ce décret du 26 mars 2015, contraire à l'avis du CNTGI, ne facilitera pas la comparaison des contrats par les copropriétaires eu égard à sa complexité, malgré les objectifs avérés du législateur. De surcroît, le texte comporte des illégalités concernant les « Frais et honoraires imputables aux seuls copropriétaires » dont l'article 10-1 énonce :
“ Le coût des prestations suivantes est imputable au seul copropriétaire concerné et non au syndicat des copropriétaires qui ne peut être tenu d’aucune somme à ce titre “
Cette disposition est en parfaite inadéquation avec le principe selon lequel les prestations effectuées par le syndic sont facturées au syndicat des copropriétaires et non au copropriétaire.


Que pensez-vous de la possibilité pour un syndic bénévole d’être rémunéré dans le cadre de sa mission ?
Si on impose au syndic bénévole les mêmes exigences de formation initiale et de formation continue, comme le prévoit la loi ALUR, pourquoi pas ?
Mais il y a fort à parier que ce ne sera pas le cas, d'autant plus qu'une des associations faisant l'apologie du syndic bénévole, bien qu'étant à l'initiative de l'association des syndics de redressements, ne prévoit pas de confier cette mission de redressement des copropriétés en difficulté à des syndics bénévoles mais bien à des syndics professionnels qui, soit dit en passant, devront se faire adouber par cette fameuse association.
Aussi est-il dommageable que le décret du 26 mars 2015 ait prévu une rémunération pour le syndic bénévole et n'ait pas exclu de son champ d'application les syndics bénévoles.

 

Quelle est, selon vous, l’utilité d’une liste «non limitative» des prestations comprises dans le forfait ?
Dans son principe, le nouveau contrat de syndic, de type « tout sauf », pouvait permettre aux copropriétaires de comparer les différents contrats de syndics mis en concurrence et éviter les dérives consistant à effectuer un dumping sur les honoraires de base et facturer à l’envie des prestations particulières.
Néanmoins, le nouveau type de contrat relevant du décret du 26 mars 2015, de par la complexité de sa présentation, avec des annexes qui fixent la liste des prestations incluses dans le forfait ou pouvant donner lieu à rémunération complémentaire, sur près de 15 pages, risque de provoquer l'effet inverse de celui escompté, à savoir permettre une meilleure comparaison des offres.


La liste des prestations ouvrant droit à des prestations particulières, vous semble-t-elle trop restrictive ?
Eu égard l'état actuel des textes, la liste des prestations ouvrant droit à rémunération complémentaire peut se résumer aux postes de prestations particulières que sont les réunions supplémentaires d'assemblées générales, la gestion des sinistres, la gestion des contentieux, les diligences relatives au règlement de copropriété et à l'état descriptif de division, aux travaux autres que ceux de maintenance ou d'entretien courant.
Certes, il va falloir que les syndics de copropriétés s'adaptent aux nouvelles dispositions résultant de la loi ALUR. Néanmoins, les mesures du décret du 26 mars 2015, bien que loin d'être parfaites, auraient pu être beaucoup plus préjudiciables au modèle économique des cabinets de syndics.
Aussi, il me semble opportun que les syndics revoient leurs stratégies en se recentrant sur leur métier, fassent le choix, dans la mesure du possible, de renforcer leurs investissements dans leur formation, leur communication, la maîtrise des outils technologiques afin de pouvoir, à terme, revaloriser leurs honoraires de bases qui, aujourd'hui, ne sont pas à la hauteur des compétences et exigences professionnelles qui leur sont demandées.