[N° 606] - Entretien avec Galla Bridier: Les copropriétaires parisiens face aux travaux

par Edilaix
Affichages : 3420

«Être copropriétaire à Paris, c’est essentiellement vivre en copropriété». L’Agence départemental d’information pour le logement de Paris (ADIL 75) vient de livrer une étude sur les travaux en copropriété. Les juristes de l’ADIL 75 ont rencontré plus de 500 copropriétaires. Galla Bridier, présidente de l’ADIL, répond à nos questions et nous éclaire sur cette étude que le lecteur pourra découvrir sur le site Internet de l’ADIL.
Galla Bridier est également conseillère de Paris, élue du 18ème arrondissement où elle a en charge l’habitat partagé et participatif. Enfin, elle préside la 5ème commission du Conseil de Paris (Urbanisme, Logement, Grand Paris, Développement Économique).

Globalement, les immeubles en copropriété sont en bon état et les copropriétaires ne renâclent pas à entreprendre des travaux. Quels sont les travaux privilégiés par les assemblées générales ?
C’est exact, notre étude révèle que les immeubles sont plutôt en bon état alors que beaucoup ont été construits avant 1949. C’est donc une bonne chose et c’est encourageant puisque 48 % sont en bon état et 35 % dans un état moyen. Bien entendu, cela ne traduit pas la réalité de toutes les copropriétés parisiennes, mais c’est ce qui ressort des entretiens menés par les conseillers juristes de l’ADIL auprès de notre public. Ces copropriétaires sont tout à fait conscients que la régularité des travaux contribue au bon état de leur immeuble. Avec 93 % de copropriétaires pour qui engager des travaux est indispensable, on ne peut nier cette volonté.
Pourtant, tous les travaux n’ont pas le même niveau de priorité. Les copropriétaires interrogés votent plus facilement les travaux d’entretien qui nous ont semblé être les plus visibles, comme le ravalement des façades ou la réfection de la cage d’escalier. Ils sont manifestement sensibles à la plus-value esthétique mais c’est aussi un réflexe classique et rassurant ; ainsi en cas de vente, les acquéreurs sont les premiers à s’inquiéter de l’état des parties communes. La toiture, d’ailleurs, bénéficie de la même attention ; là encore le vote intervient sans difficulté.
D’autres actions, en revanche, ne sont pas envisagées aussi facilement. Je vous donnerai l’exemple de la sécurité électrique des parties communes, plutôt négligée mais surtout, et je le regrette profondément, les travaux d’économie d’énergie. Concernant les copropriétaires que nous avons interrogés, 90 % d’entre eux s’avouent peu sensibles à cet objectif qui constitue pourtant un véritable enjeu des pouvoirs publics et dans lequel chacun doit se sentir impliqué. Il est évident que nous devons améliorer l’information dans ce domaine afin de susciter la motivation des copropriétaires. Ces derniers, malgré les campagnes de communication déjà réalisées au niveau national, ne sont pas convaincus et beaucoup redoutent de s’engager dans ces travaux, de peur que les économies attendues ne soient pas au rendez-vous.

Votre étude révèle que les travaux sont majoritairement financés sur les fonds propres des copropriétaires, c’est-à-dire sur leur épargne. Quels freins avez-vous identifié  à un financement extérieur ?
Tout d’abord, les copropriétaires rencontrés ont la chance de disposer de revenus corrects. Je rappellerai juste que leurs ressources mensuelles sont de près de 2 900 € ; il s’agit là d’une moyenne et dans les immeubles, tous les ménages n’ont pas les moyens de faire face au vote des travaux, même de simple entretien. Mais, même pour ceux qui en ont les moyens, la dépense doit être planifiée pour y faire face le moment venu.
Le recours à l’emprunt, dès lors qu’il est adapté au budget peut être une solution. Dans l’étude, seuls 12 % des copropriétaires ont souscrit un prêt pour financer les travaux d’entretien ou d’amélioration des parties communes. Ce sont des démarches engagées à titre personnel et seulement 4 % des copropriétaires ont bénéficié d’un prêt accordé au syndicat de copropriété. C’est sans doute le principal obstacle : le manque d’information sur les prêts pouvant être mobilisés.
Il faut aussi dire que les aides des pouvoirs publics sont ciblées et ne peuvent concerner tous les projets. Les subventions de l’agence nationale de l’habitat (ANAH) s’adressent surtout aux copropriétés en difficultés ; elles ont à ce titre un effet bénéfique, puisqu’elles servent de levier dans des immeubles où sans elles les travaux ne seraient pas votés. En revanche, elles n’ont pas vocation à soutenir de simples travaux d’entretien ou d’amélioration. Les copropriétaires modestes peuvent également y prétendre à titre individuel, mais uniquement pour des travaux bien particuliers ; même constat pour les bailleurs qui doivent en outre, s’engager à respecter certaines conditions de locations.

Poids des bailleurs en assemblée générale, assemblées insuffisamment préparées, copropriétaires démotivés … À ces obstacles supplémentaires à une prise de décision pour engager des travaux, les dispositions de la loi ALUR vous semblent adaptées. Pourquoi ?
Effectivement, les copropriétaires se disent lassés par la démotivation de copropriétaires qui ne voient aucun intérêt à financer des travaux. Les propriétaires bailleurs, qui désertent les assemblées générales, sont les principaux visés. Ils regrettent aussi le manque de concurrence au moment du vote ; souvent il n’y a qu’un devis joint à leur convocation ou parfois certains leurs sont présentés pendant l’assemblée générale. Difficile alors de faire un choix en toute objectivité.
Plusieurs outils sont prévus par la loi ALUR. L’ADIL 75 les rappelle : le diagnostic technique global, c’est un véritable audit de la copropriété. Il devrait permettre de vérifier les interventions incontournables. Pour faciliter la réalisation des travaux, la loi ALUR impose aussi un plan pluriannuel de travaux permettant de planifier leur réalisation sur plusieurs années. Enfin, la loi ALUR institue un fonds travaux, c’est-à-dire une réserve financière qui permettra de contourner les risques d’impayés.

Parmi les différentes suggestions apportées par cette étude de l’ADIL, le dialogue et l’échange d’informations occupent une place essentielle. Pourquoi ?
La copropriété est une organisation particulière. Comment privilégier l’intérêt collectif tout en ménageant les attentes de chacun ? C’est une véritable difficulté pour le syndic. Il faut mettre l’accent sur l’information et motiver les copropriétaires sur les enjeux de demain, par exemple sur l’amélioration des performances énergétiques de nos immeubles. L’ADIL suggère que les copropriétaires puissent bénéficier de la même information, et surtout que les rapports de force soient effacés. Il est indispensable que davantage de transparence, de collaboration soient accordés à la gestion des copropriétés. Le conseil syndical est l’interlocuteur à privilégier pour établir un dialogue. Chacun doit se sentir impliqué et comprendre quels sont les enjeux et les objectifs. L’ADIL 75 compte bien s’y employer ; mettre l’accent sur l’information des copropriétaires nous paraît une priorité.