[N° 593] - Entretien avec Olivier ORTEGA

par Edilaix
Affichages : 3041

«La surélévation concerne l’intérêt général de la copropriété»


Olivier Ortega est avocat associé au cabinet Lefèvre Pelletier & associés. Il a animé  le groupe de travail “financements innovants pour l’efficacité énergétique” au sein de la mission Plan bâtiment durable. «Le groupe de travail visait à explorer les différentes pistes de financement de la modernisation durable du parc immobilier, avec une attention particulière pour les solutions ne mobilisant pas de fonds publics.»
Quatre axes de réflexion ont été fixés : la diminution des dépenses de l’immeuble dans la logique du contrat de performance énergétique ; l’accompagnement à la mise en place de sociétés de tiers investissement ; l’identification de nouveaux leviers, tels que ceux issus de l’évolution des règles d’urbanisme ; l’optimisation des aides à la création et au développement d’entreprises de l’immobilier et du bâtiment durable.
Olivier Ortéga revient pour les IRC sur les préconisations de ce groupe de travail en
faveur de la rénovation énergétique, incluant des dispositifs spécifiques aux copropriétés, et sur les contrats de performance énergétique.

 

Pouvez-vous nous présenter les sources de financement spécifiques aux immeubles gérés en copropriété mises à jour par votre groupe de travail ?
«Le groupe de travail propose deux grandes pistes d’évolution. En premier lieu, au titre des recettes innovantes, le groupe confirme l’intérêt de générer des recettes de valorisation tirée d’une densification, verticale ou horizontale, de l’immeuble : la valorisation des droits à construire, obtenue par dérogation aux règles habituelles de hauteur et de gabarit, serait ainsi affectée prioritairement à la rénovation énergétique de l’immeuble existant.
Concernant les opérations de surélévation [lire les amendements votés par le Sénat en pages 4 et 6 - ndlr], les règles de vote prévues par le droit de la copropriété sont actuellement liées à la possibilité pour les propriétaires du dernier étage de faire des duplex. Ainsi, selon l’article 35 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la décision d’aliéner, aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif, le droit de surélever un bâtiment existant exige, outre la majorité prévue à l’article 26 ou de l’article 25 lorsque le bâtiment est soumis à un droit de préemption urbain, l’unanimité des occupants du dernier étage. En d’autres termes, les occupants du dernier étage disposent d’un droit de veto. A ces règles, s’ajoute la possibilité pour le règlement de copropriété de prévoir une majorité plus élevée pour délibérer sur un projet de surélévation et l’on constate dans beaucoup de règlements des prises de décisions fixées à la majorité des trois quarts.
Dans l’hypothèse du financement de l’existant, le projet est totalement différent : il s’agit de créer des lots neufs et indépendants en vue du financement de travaux de performance énergétique. Cela ne concerne plus seulement l’intérêt particulier des copropriétaires du dernier étage mais l’intérêt général de la copropriété. Or, ce droit de veto conduit au blocage d’un certain nombre de projets, voire à un marchandage de ce droit qui capte l’essentiel de la valeur ajoutée créé par le projet.
En second lieu, la mise en place de sûretés pour la souscription par un syndicat de copropriétaires d’un emprunt bancaire pour le financement des travaux de rénovation énergétique concernant des parties communes ou d’intérêt collectif sur parties privatives, faciliterait grandement la structuration de projets bénéficiant du tiers financement. Le mécanisme de cautionnement solidaire prévu par l’article 26-7 de la loi fixant le statut de la copropriété pourrait également être étendu aux loyers de tiers financement. Depuis la remise du rapport  par le groupe de travail en février, le décret n° 2013-205 du 11 mars 2013 a précisé le régime de l’emprunt collectif de la copropriété.»

Le premier contrat de performance énergétique (CPE) pour une copropriété a été signé en février 2012. Pouvez-vous nous présenter ce CPE et les premiers résultats ?
«Ce contrat de performance énergétique porte sur la copropriété du 54 avenue Paul Doumer à Neuilly-sur-Marne. Il a pour but principal la réduction des consommations énergétiques. L’immeuble, construit en 1964, comprend deux bâtiments de 30 logements chacun.
Ce CPE associe la conception et la réalisation d’un programme de travaux énergétiques des bâtiments avec exploitation des systèmes de chauffage. L’objet principal du contrat est de garantir une réduction de 40 % des consommations énergétiques réelles en kWh à degrés jours unifiés (DJU) constants.
Le programme est défini selon les missions suivantes : obligation de performance énergétique du programme, réalisation d’un audit énergétique et la conception d’un plan d’action, la réalisation des travaux de réhabilitation énergétique, la direction et le pilotage des travaux, la conduite et la maintenance des installations énergétiques. Les interventions techniques retenues portent notamment sur l’isolation des toitures en sous-face, les menuiseries extérieures, les planchers hauts des caves, la production de chauffage, le remplacement des robinets manuels par tête thermostatique.
Le coût total du projet est d’environ 800 000 € TTC. Le contrat est conclu pour une durée de 6 ans. Le groupement [des entreprises – ndlr] garantit contractuellement à la copropriété l’amélioration de la performance énergétique des immeubles.
A cet effet, le groupement s’engage à respecter chaque année et pendant toute la durée du contrat, un pourcentage de diminution des consommations énergétiques par rapport à la situation de référence 2010 et, pour chaque année, un objectif de consommation exprimé en quantités d’énergie.
La performance énergétique est vérifiable et mesurée annuellement selon le protocole arrêté par le contrat. La garantie, applicable à partir de l’automne 2013, est consentie pour la durée du contrat. Si la quantité de combustible réellement consommée à la fin d’un exercice est supérieure à la consommation garantie pour cet exercice, le groupement est redevable d’une indemnité égale à la sur­consommation.»

Quels sont vos motifs de satisfaction et vos regrets à la lecture du projet de loi Alur tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale ?
«Le projet de loi Alur définit d’abord le tiers financement dans le champ d’opérations de rénovation de logements comme «l’intégration d’une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie d’une rémunération sous forme de redevance globale, régulière et limitée dans le temps» (art. 57 bis). Un décret devra préciser le périmètre des prestations que peut couvrir le service de tiers-financement.
Les articles 27 et suivants du projet de loi [création du fonds de prévoyance - ndlr], en ce qu’ils visent à organiser l’entretien, la conservation et l’amélioration des immeubles,  concourent naturellement à améliorer la performance énergétique des bâtiments. Le projet comprend également de nombreuses dispositions sur les copropriétés dégradées.
Enfin, le projet d’ordonnance  relative au développement de la construction de logement, adopte le principe de la surélévation (art. 1er) [cf. amendement du Sénat - ndlr] mais ne limite pas le bénéfice de cette dérogation à l’amélioration de la performance énergétique de l’existant, ce qui est regrettable et restreindra le bénéfice de la mesure au seul champ de la construction de logements neufs.»

Pour en savoir plus sur les financements innovants : www.fiee.fr ;
Et sur les contrats de performance énergétique, www.lecpe.fr