[N° 585] - Entretien : "Surélever pour réhabiliter les copropriétés"

par YS
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Jean-Loup Taieb est architecte D.E.S.A., fondateur en 1996 de la Compagnie des architectes de copropriété et du salon «Copropriété et gestion de biens». Il est membre de l’association “Planète copropriété“. Cette association a pour objet de réaliser et de soutenir toutes actions concourant à l’amélioration de la performance énergétique dans les copropriétés. Au sein de l’association, il anime le groupe de travail “surélévation“.

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Pouvez-vous nous présenter les avantages et les inconvénients de la surélévation des immeubles gérés en copropriété ?
L’idée de la surélévation est de construire la ville sur la ville. On re-densifie le tissu urbain, on minore les engagements des collectivités à construire des routes ou des VRD [voierie et réseaux divers, ndlr]. On minore les coûts de transport des uns et des autres par rapport à son activité professionnelle. Enfin, les surélévations permettant de mutualiser les charges de copropriété sur plus de copropriétaires, elles les minorent pour tous.
Au niveau européen, on a des retours d’expériences grâce aux travaux entrepris dans le canton de Genève. En 2006, le législateur a décidé de modifier le zonage du cœur de la ville pour permettre ces surélévations. Six ans après, le constat est que cela marche … Les craintes initiales («on va me cacher la vue» ; «on va me priver du soleil») s’estompent et les idées de  surélévations passent dans les mœurs.
En France, nous en sommes toujours au b.a.-ba, et pas pour des problématiques techniques. On assiste à une inertie issue de la loi de juillet de 1965 sur les copropriétés notamment par ses articles 9 (indemnisation du copropriétaire subissant un préjudice), 26 (double majorité pour la décision d’aliéner le droit de surélever) et 35 (accord unanime des propriétaires du dernier étage). Ces dispositions sont des freins aux projets de surélévation.
Enfin, l’absence de “capage“ de l’indemnité compensatrice, légitime, des copropriétaires qui se sentent lésés, notamment ceux du dernier étage, rend l’opération difficile. Cela veut dire que,  quand bien même, on arrive à monter un système fonctionnel dans lequel on va pouvoir surélever, les problèmes de majorités et les problèmes techniques étant résolus, l’opération échoue. On assiste à des revendications financières exorbitantes compte tenu du marché de l’immobilier. Les autres problématiques à résoudre sont d’ordre fiscal pour l’individu copropriétaire.

Techniquement, comment se présente un chantier de surélévation ?
C’est très simple. L’avantage des surélévations c’est de partir d’éléments préfabriqués avec un temps d’intervention sur le chantier relativement court. Il faut une grue de levage et préparer préalablement la couverture. Généralement, il s’agit d’un toit-terrasse. La surélévation permet d’ailleurs, de supprimer les coûts d’entretien et de rénovation de ce toit-terrasse.
En préférant les éléments préfabriqués, on évite les reprises en sur-œuvre. On ne crée pas de surcharges en hauteur. De toute façon, en amont, on vérifie la portance des fondations.
Pour les coûts, cela s’apparente à la même équation que pour le neuf ; il n’y a pas de surprises. Et puis, le temps de commercialisation est court. Ce sont souvent, les copropriétaires de l’immeuble ou les voisins immédiats qui se portent acquéreurs. Cela permet de minorer les frais financiers.
L’opération se fait en VEFA [vente en l’état futur d’achèvement - ndlr] c’est-à-dire que les ventes s’effectuent sur plan. Il faut donc assurer un financement relais entre l’obtention du permis de construire, le délai de recours des tiers étant purgé, et le moment où l’opération se concrétise.

Vous animez le groupe de travail surélévation au sein de l’association Planète copropriété. Pour quelles raisons militez-vous ainsi pour les extensions en hauteur des immeubles gérés en copropriété ?
Aujourd’hui, que se passe-t-il ? Dans la poursuite des nouvelles réglementations issues du Grenelle, les copropriétés sont confrontées aux difficultés de financement des études préparatoires à la rénovation énergétique de l’immeuble et au chantier proprement dit.
Les droits à construire selon le PLU [plan local d’urbanisme] et le COS [coefficient d’occupation des sols] constituent un trésor caché pour les syndicats de copropriétaires. Donc, il y a lieu de favoriser le point de vue collectif plutôt que l’intérêt individuel. Cela veut dire que dans un bilan pré-financier d’une telle opération, la valeur ajoutée de la construction/surélévation et la cession de celle-ci dans le cadre d’une VEFA va permettre de créer un financement pour requalifier énergétiquement le bâtiment et accroître son confort, son adaptation aux personnes à mobilité réduite… L’idée serait de raisonner par rapport au bien-être collectif et pas sur les problématiques individuelles.
Ainsi, l’on crée un jeu de billard avec cette notion de requalification. Concrètement, on fait voter en amont un audit énergétique qui est désormais obligatoire [pour les copropriétés de 50 lots et plus - ndlr] ce qui permet de dresser la typologie des requalifications des équipements et de les calibrer. Il s’agit de définir le coût de l’engagement financier pour le syndicat. La valeur ajoutée de la construction/surélévation vient en compensation du coût des travaux de rénovation. L’enjeu est de faire voter les travaux concomitamment, à la fois la requalification et la surélévation de l’immeuble pour réduire les délais de réalisation.

Compte-tenu des prix de l’immobilier, quels sont les projets actuels sur Paris intra-muros ?
Plusieurs projets sont à l’étude mais pas encore de réalisation pour les immeubles en copropriété. Ce qui a été fait, ce sont des surélévations de bâtiments appartenant à un même propriétaire. Et, il n’y a pas à ma connaissance, d’exemple de surélévation pour les immeubles gérés par des bailleurs sociaux.

Propos recueillis par la rédaction