[N°618] - Entretien avec Olivier Delalande, président de la compagnie des architectes en copropriété

par Edilaix
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«Nous sommes des architectes spécialisés sur les immeubles existants occupés»

Olivier Delalande est architecte DPLG. Il préside depuis 2013, la Compagnie des architectes de copropriété. Créée en 1996, elle compte plus d’une centaine de cabinets d’architectes indépendants. Situés en Ile-de-France, à Toulouse, Strasbourg, Bordeaux et Nice, ces professionnels peuvent intervenir sur l’ensemble du territoire. La mission de la Compagnie est d’apporter un savoir-faire technique aux copropriétaires.

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Quelles sont les compétences spécifiques d’un architecte membre de votre Compagnie pour les immeubles gérés en copropriété ?
«Si nous nous comparons aux autres architectes, nous sommes spécialisés dans le travail sur les immeubles existants occupés. Pour plaisanter, nous rappelons parfois que le client final, celui qui signe les chèques, habite sur le chantier.
Si nous nous comparons aux autres intervenants du secteur de la copropriété, nous sommes des généralistes.
Notre première compétence est évidemment technique. Un exemple emblématique est celui de l’humidité anormale. Un couvreur cherchera des fuites de toiture, un plombier examinera les tuyaux, un thermicien traquera les ponts thermiques et les ventilations. Mais, chacun pourra passer à côté du problème réel si celui-ci n’est pas de sa compétence. Nous ferons tout cela à la fois : nous identifierons toutes les composantes du désordre ; nous pourrons ensuite appeler à bon escient les spécialistes aptes à le résoudre.
Notre métier a également une forte dimension culturelle. Nul besoin d’un radar pour voir comment sont faits les murs d’un immeuble art-déco si l’ on a déjà étudié cette époque. Et, lorsque vient le moment de le rénover, déjà connaître son mode constructif permet de choisir les techniques les plus appropriées. Du culturel, on glisse vite au sociologique. Dans ces «démocraties participatives de proximité» que sont nos copropriétés, cette compétence est parfois la plus décisive ! C’est l’adhésion à la Compagnie qui garantit notre haut niveau de savoir-faire. Chaque mois, nous nous réunissons pour une longue séance de formation, suivie d’un échange d’expériences, prolongé au quotidien par des débats sur un forum dédié. L’architecte de la Compagnie a toute la force de frappe de son réseau derrière lui lorsqu’il intervient.»

Quelles sont les missions habituellement confiées à vos adhérents par les syndicats de copropriétaires ?
«Nous sommes évidemment maîtres d’œuvre. Parmi les architectes, nous sommes les derniers à maîtriser toute la chaine de production, de la première demande du client jusqu’à l’après-vente, en passant par la définition du programme, le projet, le descriptif, l’appel d’offres, la direction du chantier et sa réception. Nous en sommes extrêmement fiers.
Mais il est une autre mission, très spécifique, que nous avons, au sein de la Compagnie, quasiment inventée et formalisée : le diagnostic d’immeuble. Nous visitons les bâtiments et leurs abords «de fond en comble», nous les analysons et nous en déduisons un programme de travaux d’entretien ou de remise à niveau.
Ce diagnostic est maintenant complété avec l’audit thermique, établi par nos partenaires ingénieurs, pour établir le diagnostic technique global (DTG) conforme à la loi ALUR. Sinon, l’étendue de notre champ de compétences amène tout naturellement les clients à nous solliciter pour des expertises, à les assister lors de litiges, à nous confier la rénovation de leur appartement ou de leurs bureaux. Certains d’entre nous se qualifient ainsi de «médecin de famille».
Beaucoup d’entre nous ont une pratique individuelle, mais la Compagnie regroupe aussi des agences de grande taille, aptes à prendre en charge des missions complexes, des chantiers étendus, des travaux lourds, avec la même finesse d’intervention que des professionnels libéraux.»

L’assouplissement des dispositions de la loi ALUR en matière de surélévation des immeubles existants s’est-il traduit par de nouveaux projets ?
«Les opérations sont toujours très longues en copropriété. La loi est trop récente pour qu’on en mesure encore les effets. Mais il est vrai qu’elle a fait naître des opportunités, et beaucoup d’entre nous ont des projets de surélévation en cours. Rendez-vous dans quelques mois pour savoir ce qu’il en sera advenu.»

La Compagnie des architectes de copro- priété vient de s’affilier à la Fédération CINOV qui réunit 14 syndicats des métiers de prestation intellectuelle en matière de conseil, d’ingénierie et du numérique. Pouvez-nous préciser le sens de cette affiliation ?
«Notre métier remonte à la plus haute antiquité.
A chaque époque, nous avons su rendre les services que la société attendait de nous, et nous n’avons pas l’intention d’arrêter.
De nos jours, seules les équipes pluridisciplinaires sont à même de répondre aux défis actuels. J’ai évoqué le diagnostic que nous élaborons avec les thermiciens ; nous travaillons évidemment aussi avec des ingénieurs en structure, des acousticiens, des géotechniciens, et toutes les spécialités du bâtiment et de l’aménagement.
Mais cela ne suffira plus.
Par exemple, la maquette numérique ou BIM nécessite simultanément des compétences pointues en informatique et des compétences traditionnelles d’architectes. Ne pouvant pas tout faire, nous voilà donc amenés à partager sur notre cœur de métier avec des ingénieurs que nous ne connaissions pas jusqu’ici et qui constatent, eux-mêmes, avoir besoin de nous. Du BIM, on passera à la mécanisation et l’automatisation des chantiers avec l’impression 3D et d’autres techniques dont nous n’avons pas encore idée. Et je ne parle pas de l’amélioration énergétique, des matériaux et produits nouveaux, des exigences de santé publique, de l’ergonomie, de l’accessibilité, de la sécurité au travail, du facility management, des copropriétés dégradées, ...
Tout cela dans des budgets contraints, en continuant à offrir aux copropriétés le meilleur service ; la technique est au service du client et non le contraire.
Chacun de nos métiers, pris isolément, est incapable de faire face à ces enjeux. Nous devons nous regrouper de manière pérenne. Le CINOV regroupe les métiers de prestations intellectuelles. Il aurait été anormal que des architectes n’en soient pas.»

En savoir plus : www.archicopro.com